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La sélection embryonnaire, un moyen de guérison pas encore éthique en France

28 août 2003, Le Quotidien du Médecin

Atteint d’aplasie, Florian, 8 ans, pourrait être sauvé par la naissance d’un frère ou d’une sœur dont le HLA serait compatible. Mais la loi française, dans le cadre du diagnostic préimplantatoire, ne permet pas la sélection d’embryon dans ce dessein. Le député Alain Claeys entend déposer, lors de l’examen du projet de révision de la loi bioéthique, un amendement autorisant cette pratique en cours dans plusieurs pays européens.

La France peut-elle ignorer une voie de guérison sous prétexte qu’elle est jugée non éthique alors que d’autres pays européens, comme la Belgique, la retiennent ? C’est en quelque sorte la question que posent les parents de Florian, 8 ans, atteint d’aplasie médullaire, dans une lettre adressée au président de la République.

Au-delà du combat mené pour sauver Florian, leur but est d’arriver à faire modifier les dispositions législatives françaises : ” Florian pourrait se faire opérer en Belgique, argumente la mère, Marie-Françoise Renuy. Mais je veux cette autorisation parce que nous ne sommes pas les seuls concernés “, indique-t-elle. Cinq traitements différents n’ont pas vaincu la maladie de Florian. Sa seule chance thérapeutique réside dans une greffe de cellules souches sanguines prélevées sur un frère ou une sœur qui naîtrait après avoir été sélectionné, sur la base de ses caractéristiques génétiques, afin d’être immunologiquement compatible. Pour que cette possibilité existe en France, il faudrait que la technique du diagnostic pré-implantatoire (DPI) puisse non seulement permettre à un enfant de naître indemne d’une maladie génétique grave (ce qui est autorisé depuis 1994), mais puisse être aussi le moyen d’avoir un enfant HLA compatible avec un premier enfant atteint de cette maladie.

Discutée en juillet 2002 par le Comité consultatif national d’éthique (CCNE), la question centrale de cette voie de guérison est celle de la finalité de l’enfant à naître. La greffe de cellules du sang de cordon, prélevé lors de la naissance d’un frère ou d’une sœur compatible immunologiquement, est une technique médicale porteuse d’espoir dans la mesure où elle permet de traiter les aspects hématologiques de la maladie et ne présente, pour l’enfant donneur, aucun préjudice. Toutefois, rappelait le CCNE, les médecins peuvent être conduits à envisager ultérieurement des dons de moelle, à partir de l’enfant compatible, en cas de nouvelle atteinte hématologique du grand frère ou de la grande sœur. Jusqu’où peut-on pousser les limites de l’assistance à la procréation ? Quel avenir réserve-t-on à l’enfant conçu certes pour lui-même, mais choisi pour un autre membre de la famille ? Et comment trouver une réponse autre que celle qui sera apportée, heureusement ou non, par l’expérience ?

La position du CCNE est finalement en adéquation avec ceux qui souhaitent l’évolution de la procréation médicalement assistée : ” La sélection d’un embryon et la mise en route d’un enfant conçu seulement comme un donneur potentiel et non pour lui-même n’est pas pensable, disent les Sages. En revanche, permettre qu’un enfant désiré représente, de plus, un espoir de guérison pour son aîné est un objectif acceptable s’il est second. “

Un amendement à la loi bioéthique

L’histoire de Florian est un exemple. Et c’est pour répondre à la demande de ces familles que le député Alain Claeys, délégué national à la santé du PS, entend déposer à l’automne, lors de l’examen en seconde lecture du projet de loi de révision de la loi bioéthique, un amendement autorisant en France l’extension de la pratique du DPI. ” Mon cheminement sur cette question s’est fait lors du débat au sein du CCNE, explique au “Quotidien” le député, ancien membre du Comité. Nous ne devons pas détourner le DPI de sa fonction première, celle d’assurer les meilleures chances à l’enfant à naître, mais nous pouvons envisager d’offrir aux couples la possibilité ” de sélectionner un embryon HLA compatible avec son aîné, en dehors de toute dérive eugénique. ” Cette possibilité ne doit de toute façon pas être automatique : elle doit dépendre du dialogue singulier entre le couple et l’équipe médicale, poursuit-il. Le droit de l’enfant à naître doit être préservé. ” Mais est-on sûr de pouvoir le préserver ? La Belgique, la Grande-Bretagne et les Etats-Unis ont répondu par l’affirmative.

La famille de Florian, qui réside dans le Pas-de-Calais, a constitué une association – Offrons un avenir à Florian – qui a réuni des fonds pour le faire opérer à l’étranger au cas où la loi bioéthique française, dont la révision est attendue cet automne, ne le permettrait pas.

Stéphanie HASENDAHL

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