Une nécessaire refonte du suivi du transplanté
30 septembre 2003, Le Quotidien du Médecin
5e Réunion commune de la Société de néphrologie et de la Société francophone de dialyse. Nancy, 30 sept.-3 oct. 2003.
L’augmentation du nombre de transplantés rénaux et l’effondrement conjoint de celui des néphrologues hospitalo-universitaires devraient rapidement mener à une situation inextricable si l’on ne réfléchit pas dès aujourd’hui à une redistribution du rôle des différents intervenants dans le suivi régulier de ces patients.
La question est connue depuis longtemps, mais n’avait jamais été posée dans le cadre d’un débat public réunissant tous les intervenants de la néphrologie : qui va assurer le suivi des patients transplantés dont le nombre augmente régulièrement grâce aux progrès constants de la greffe rénale et des traitements immunosuppresseurs, alors que le remplacement des néphrologues hospitalo-universitaires n’est plus assuré et n’a que peu de chances de l’être avant longtemps ?
Le schéma en place actuellement est en passe de montrer ses limites. En effet, aujourd’hui, les malades transplantés sont initialement suivis par leur centre de transplantation. Ce travail est ensuite redistribué en fonction des possibilités locales et de la volonté de chacun d’y prendre part. Ainsi, il arrive, dans moins de 10 % des cas, que les centres de transplantation assurent un suivi exclusif de leurs patients. Plus souvent, cette charge est répartie entre le néphrologue hospitalo-universitaire et les correspondants qui lui ont adressé le patient.
Espacement et simplification
Dans le cadre de ce suivi alterné, le néphrologue de centre de transplantation peut être amené à revoir le patient transplanté très régulièrement ou une fois l’an seulement, au cours d’une visite plus approfondie, le reste du suivi étant pris en charge par le néphrologue qui voyait le malade en dialyse. La participation de chacun à ce réseau de soins informel est donc très variable et ne vise qu’à faire face « en temps réel » à une situation locale donnée. Heureusement, l’amélioration de la sécurité de la transplantation et des traitements immunosuppresseurs a permis, sans pour autant faire courir plus de risques au patient, à la fois un espacement et une simplification du suivi du transplanté. On réalise aujourd’hui des examens moins fréquents, mais plus précis, concentrés sur des périodes clés de la greffe au cours desquelles on sait qu’une intervention sur le traitement immunosuppresseur devient plus probable. De même, certains dosages, comme celui de la réplication du CMV, vont probablement être abandonnés, compte tenu de l’efficacité à peu près constante des médicaments disponibles pour la prévention de cette infection. Pour l’exemple, l’hôpital Saint-Louis a doublé en cinq ans son activité de transplantation, mais divisé par deux la fréquence du suivi des malades, et ce, bien sûr, avec les mêmes résultats en termes de qualité de soins.
Cela dit, il est temps maintenant de redéfinir de façon plus pérenne, en tenant compte de projections démographiques précises, l’implication des néphrologues non hospitalo-universitaires dans le suivi du transplanté, puisque leurs confrères des centres de transplantation ne disposent que d’un quart d’heure par patient, comprenant la mesure de la pression artérielle et du poids, et la rédaction du bon de transport.
Connaître l’avis et les envies des principaux intéressés, c’est précisément l’objectif du symposium que modérera Christophe Legendre. Selon lui, si une partie des néphrologues non hospitalo-universitaires, déjà surchargés par le travail de la dialyse, se montre clairement réticente à prendre en charge ces patients un peu « magiques » que sont les transplantés sous traitement immunosuppresseur, une majorité y serait plutôt favorablement disposée. Les infirmières, en crise démographique elles aussi, et qui ont déjà un rôle énorme dans l’éducation des patients, pourraient également avoir des propositions à formuler qui permettraient de soulager de certains gestes purement infirmiers les néphrologues de centre de transplantation.
L’essentiel est, on le voit, de réunir de façon urgente et d’écouter l’ensemble des intervenants de la prise en charge des transplantés pour définir les nouveaux axes d’interactivité entre néphrologues de centre de transplantation et néphrologues non hospitalo-universitaires.
Gageons enfin que ce questionnement dépassera rapidement ses limites initiales tant la crise démographique de la profession apparaît grave aujourd’hui et que, dans bien d’autres domaines, on soit amené à envisager une refonte des rapports entre les différents acteurs de la néphrologie.
Dr Jean ANTHELME
D’après un entretien avec le Pr Christophe Legendre, hôpital Saint-Louis, Paris.