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Deux années de plan greffe : quel bilan ?

Renaloo a activement participé à l’élaboration du quatrième Plan greffe(1), lancé en mars 2021. Deux ans après, où en sommes-nous ? L’annonce par l’Agence de la biomédecine des résultats 2023 du prélèvement et de la greffe donne l’occasion de faire le point.

Même si le nombre de greffes rénales réalisées en 2023 (3.525) est en progression de près de 4,4% par rapport à 2022, il reste inférieur de 7% (soit plus de 250 greffes non réalisées) à celui de 2017 (3.782, plus haut historique).

🏥 En France, la greffe d’organes ne peut être réalisée que dans les CHU. Face aux difficultés d’accès aux blocs opératoires, elle est en concurrence quotidienne avec d’autres activités et chirurgies, dont beaucoup pourraient être déportées vers d’autres établissements. Bien que la loi ait fait de la greffe une priorité nationale(2), les choix des directions des CHU sont fréquemment à ses dépens.

Pourtant, lorsque les CHU se mobilisent, les effets sont immédiats. L’Assistance Publique – Hôpitaux de Paris (AP-HP), qui avait depuis des années de très mauvais résultats en termes de prélèvement, a décidé courant 2023 de faire de la greffe une de ses priorités. En quelques mois, différentes actions ont été mises en œuvre, le prélèvement a augmenté de 16% (+3,6% au national) et 883 greffes rénales ont été réalisées (+11,6%)(3). La dynamique enclenchée doit se poursuivre, le potentiel de progrès reste très important.

🚫 Autre motif d’inquiétude, le taux de refus atteint un « record » historique, à 36% (autour de 30% avant la crise sanitaire). Il explose en particulier dans les zones urbaines denses, où existent de grandes inégalités sociales et une pauvreté importante. Or, le baromètre sur les connaissances et la perception du don d’organes continue de montrer un niveau de confiance élevé et stable – 8 français sur 10 se disent favorables au don de leurs organes – ce qui est peu cohérent avec l’hypothèse d’une défiance sociale croissante envers le don d’organes.

La question de la crise de l’hôpital et de son impact sur l’accueil des futurs donneurs et de leurs proches doit être posée, dans le contexte de fortes inégalités(4) dans les prises en charge en urgence. Comment adhérer au don lorsque l’on estime avoir été maltraité, ou que l’on pense que son proche a été mal pris en charge ?

📍 Une activité de greffes de donneurs vivants fragilisée, qui repose sur l’engagement d’un faible nombre d’équipes.

En 2022, seules 8 des 31 équipes de greffe rénale en métropole font plus de 20 greffes rénales(5) de donneur vivant par an. Les six équipes les plus actives (Toulouse, Necker, Grenoble, Rouen, Montpellier et Bordeaux) réalisaient à elles-seules près de la moitié de toute l’activité nationale.

Alors qu’elles devraient être tout particulièrement soutenues, ces équipes font souvent face à d’importants freins, notamment pour l’accès aux blocs opératoires. Ainsi, comble de l’absurde, des donneurs vivants prêts à donner, des receveurs prêts à recevoir, se heurtent à des refus ou à des retards importants de leurs greffes, et se voient imposer des mois de dialyse qui auraient dû être évités, associés à des pertes de chances majeures et à des surcoûts considérables pour l’Assurance maladie.

« On voit bien, sur le terrain, que le prélèvement et la greffe souffrent de façon considérable de la crise de l’hôpital, plus que toute autre spécialité médicale ou chirurgicale pouvant fonctionner de manière plus autonome ou être déportée dans d’autres structures », explique Yvanie Caillé, fondatrice de Renaloo. « Face à ces difficultés, notre crainte est que dès 2024, 3e année du plan greffe, ses objectifs minimaux ne soient pas atteints, ce qui serait un drame pour les patients en attente ».

📢 Renaloo appelle une fois de plus à :

  • un signal politique fort, au plus haut niveau de l’État, en faveur de la greffe
  • la mobilisation de tous les CHU pour prioriser le prélèvement et la greffe
  • des mesures urgentes, notamment la sanctuarisation de temps opératoires dédiés à la greffe de donneurs vivants
  • la réduction des profondes inégalités territoriales d’accès à la greffe rénale

A propos du modèle espagnol
Avec 48,9 donneurs d’organes par million d’habitants(6) (pmh) en 2023, contre 26 en France, l’Espagne confirme son rang de « championne mondiale » du prélèvement sur donneurs décédés, depuis 32 ans. Le nombre de greffes y a progressé de 9% en 2023. Les délais d’attente n’y excèdent pas quelques mois, alors qu’ils se comptent en années dans l’Hexagone. La place des prélèvements sur des donneurs en arrêt circulatoire atteint 45% en Espagne (+15% par rapport à 2022). Elle n’est que de 13% en France.

A propos de la dialyse et de la greffe
En France, 3 à 6 millions de personnes sont concernées par les maladies rénales et 100 000 patients, dont les reins ne fonctionnent plus, vivent grâce à un « traitement de suppléance » : dialyse ou greffe rénale. Pour eux, la greffe est de loin le traitement le plus efficace, elle permet d’améliorer considérablement leur espérance de vie et leur qualité de vie par rapport à la dialyse. Elle est aussi beaucoup moins coûteuse pour l’Assurance Maladie(7).


(1) Notamment au travers de deux études, sur les modèles européens (et notamment l’Espagne) ainsi que sur une approche médico-économique de la greffe et de la dialyse. L’intérêt de nos travaux n’a pas échappé aux pouvoirs publics, et la plupart de nos propositions ont été intégrées au plan.

(2) En vertu des dispositions de l’article L. 1231-1 A du code de la santé publique, issues de la loi n° 2004-800 relative à la bioéthique, le prélèvement et la greffe d’organes constituent une priorité nationale.

(3) Données Agence de la biomédecine 2023

(4) https://journals.lww.com/euro-emergencymed/fulltext/9900/do_emergency_medicine_health_care_workers_rate.109.aspx

(5) Données Agence de la biomédecine 2022

(6) Données Organización Nacional de Trasplantes 2023

(7) En France, 4,36 milliards d’euros par an sont consacrés au financement de la dialyse et de la greffe rénale, pour un peu plus de 100 000 patients, dont plus de 80 % pour la dialyse, qui concerne 56 % des patients (Données CNAM 2022).

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