Pour un maintien de la solidarité envers les plus fragiles. NON à la réforme des ALD
Les patients atteints de la pathologie la plus coûteuse pour l’Assurance Maladie, l’insuffisance rénale traitée par dialyse, dénoncent l’acharnement contre les plus malades.
62.950 € en moyenne par an et par patient, tel est le coût pour l’Assurance Maladie du traitement par dialyse, qui permet aujourd’hui à 57.000 personnes en France de rester en vie, alors que leurs reins ne fonctionnent plus.
Ce montant fait de l’insuffisance rénale chronique terminale (IRCT) la pathologie la plus onéreuse par patient, devant la mucoviscidose, le cancer du poumon et l’accident vasculaire cérébral invalidant.
En 2021, les dépenses d’assurance maladie liées à l’IRCT ont atteint 4,4 milliards d’euros, pour un peu plus de 101.000 patients, en augmentation régulière[1]. La dialyse concernait 55% des patients mais était à l’origine de plus de 80 % des dépenses.
La dialyse nécessite en général trois séances d’une durée de 4 à 5h par semaine, durant lesquelles le sang du patient va circuler à de nombreuses reprises dans une machine appelée « rein artificiel ». Tout retard fait courir le risque immédiat de complications graves et toute interruption entraine le décès en quelques jours. C’est bien d’une question de vie ou de mort qu’il s’agit.
Alors oui, la survie des patients dialysés coûte « un pognon de dingue ». Et c’est tout à l’honneur de notre pays que de proposer le dispositif des affections de longue durée (ALD), héritage du conseil national de la résistance, qui permet leur prise en charge à 100%. Quelle surprise : les patients en ALD coutent cher ! Encore heureux, cela prouve que le système actuel fonctionne : ce sont bien les plus malades que l’on prend en charge à 100% et c’est bien normal qu’ils coûtent plus cher que ceux qui ne sont pas malades…
Pourtant, la pression sur les épaules des patients dialysés se fait de plus en plus lourde. Culpabilisés, tenus pour responsables des dérives des dépenses de l’Assurance Maladie, on leur a fait le coup de l’augmentation des franchises, des mutuelles, celui de la « responsabilisation » des patients, celui des transports partagés.
Alors forcément, ils se sentent tout particulièrement visés par les projets de réforme des ALD.
Les maladies chroniques touchent plus souvent les personnes modestes, mais elles appauvrissent aussi celles et ceux qu’elles frappent en raison de restes à charge plus élevés. L’IRCT traitée par dialyse ne déroge pas à la règle, bien au contraire.
- Seuls 17,4 % des patients dialysés en âge de travailler parviennent à garder un emploi[2], contre plus de 80% dans la population générale.
- 66 % des patients dialysés disposent de ressources inférieures à 1100 € par mois[3].
- Beaucoup d’entre eux n’ont pas les moyens de s’offrir une mutuelle, particulièrement onéreuse pour les personnes exclues du monde du travail.
- Malgré l’ALD, ils sont soumis à des restes à charge élevés,à hauteur de 737€ par an[4], contre 440€ pour les personnes sans ALD[5].
- Ils ne sont pas exemptés des franchises et participations forfaitaires sur les consultations, sur les actes de radiologie et de biologie médicale, les médicaments. Compte-tenu de leurs besoins de soins, la plupart atteignent les plafonds annuels, et c’est encore plus vrai avec les doublements récents : des sommes qui, au motif de les « responsabiliser », pèsent lourd sur leur porte-monnaie.
Ne pas se tromper de cible
« Dialysée depuis x années, je constate les dégradations régulières de nos conditions de traitement, la disparition programmée des séances du soir qui étaient notre seule option pour continuer nos activités professionnelles, le nombre bien trop important de patients par néphrologue, qui empêche un suivi de qualité. On en vient même à remettre en question la maigre collation qui nous est servie pendant les séances, alors que nous passons 5 ou 6 heures dans la structure tous les deux jours et que les trois quarts d’entre nous sont dénutris » déplore Manuela, dialysée depuis 2018. « Et maintenant toutes ces attaques dirigées contre nous, qui serions la cause des excès de dépenses de santé ? Plutôt que de s’en prendre à nous, le gouvernement devrait se pencher sur les nombreux abus auxquels se livrent les structures de dialyse pour optimiser leur rentabilité, à nos dépens et à ceux de l’Assurance Maladie ! »
Laurent, dialysé depuis cinq ans, poursuit : « C’est facile de s’en prendre aux plus fragiles, aux plus malades, sans remettre en cause les rentes de situation qui gangrènent notre système de santé. Celles de la dialyse, par exemple, qui conduit à sur-financer des soins de mauvaise qualité et à maintenir les patients dans les parcours les plus coûteux, au détriment de leur santé et de leur qualité de vie. ».
Renaloo plaide depuis de nombreuses années pour une réforme de la dialyse, et en particulier de son financement, que différentes institutions dont la Cour des comptes ont également appelé à maintes reprises de leurs vœux.
Car les marges d’économie sont considérables. Juste un exemple : au bas mot 200 millions d’économies sur cinq ans à portée de main, alors même que le nombre de patients augmente chaque année, en développant la greffe rénale plutôt qu’en entretenant la rentabilité excessive de la dialyse, tout en améliorant considérablement la qualité des soins et la vie des patients, sans accabler les plus vulnérables et sans remettre en cause les valeurs dont nous sommes fiers.
Nous affirmons notre opposition à toute mesure qui pénaliserait à nouveau celles et ceux qui n’ont pas choisi d’être gravement malades. Nous appelons les pouvoirs publics à ne pas se tromper de voie : notre système de santé est en souffrance et la réforme est nécessaire, mais elle doit protéger à tout prix notre modèle de solidarité.
[1] Assurance Maladie 2022
[2] https://renaloo.com/travailler-avec-la-dialyse-ou-la-greffe-un-defi-les-resultats-d-une-grande-enquete/
[3] https://renaloo.com/travailler-avec-la-dialyse-ou-la-greffe-un-defi-les-resultats-d-une-grande-enquete/
[4] https://renaloo.com/les-frais-cache-s-des-ald-plus-de-700-de-restes-a-charge-moyens-pour-les-patients-suivis-pour-maladie-renale-dialyses-ou-greffes/
[5] https://drees.solidarites-sante.gouv.fr/sites/default/files/2022-12/ER1251.pdf
1 Commentaire
Provoque-t-on l’abandon de soins et donc plus de décès ?
Étant donné les revenus fortement dégradés des malades chroniques – nombre d’entre eux sont aux minima sociaux – qui pourra mettre de l’argent dans ces soins vitaux ? Ils assument vouloir aller vers un système à l’américaine (sans blague, quelle surprise puisque l’UE est sous la coupe américaine !) ; faudra-t-il mendier et user de cagnottes participatives pour financer le nécessaire ?
C’est quoi le but, pousser les “inutiles” vers l’euthanasie ? Un air de déjà vu déjà entendu…