Dialyse : cinq ans après son 1er rapport, la Cour des comptes réclame à nouveau une réforme
Cinq ans après son 1er rapport sur la dialyse, la Cour des comptes réclame à nouveau une réforme de la prise en charge de l’insuffisance rénale. Voir le rapport 2020 de la Cour des comptes ” L’insuffisance rénale chronique terminale : une prise en charge à réformer au bénéfice des patients “.
Elle déplore une dégradation globale depuis 2015, en particulier :
✅ Un recours à la greffe toujours insuffisant alors qu’elle présente le meilleur bénéfice pour les patients.
✅ La prédominance injustifiée et croissante des modes de dialyse les plus lourds et contraignants pour les patients – en centre et en unité de dialyse médicalisée – au détriment de techniques permettant mieux de garantir leur autonomie et leur qualité de vie.
✅ Les coûts trop élevés de la dialyse, sa rentabilité excessive et la persistance de rentes de situations, au détriment de l’assurance maladie qui la finance, mais aussi des patients et de la qualité des soins qu’ils reçoivent.
Une rentabilité excessive qui n’a pas été modifiée par les baisses des forfaits
En 2015, la Cour avait déjà souligné la rentabilité exceptionnelle des structures privées de dialyse. Depuis cette date, et malgré une diminution des forfaits remboursés, leur montant excède encore de beaucoup les coûts réels pour les établissements (1).
La rentabilité (résultat d’exploitation) des structures privées de dialyse se maintient donc autour de 15 %, alors qu’elle se situe entre 4 % et 5 % pour les autres établissements privés lucratifs.
Avec de telles mannes financières, on aurait pu imaginer qu’une petite part soit utilisée pour améliorer la qualité et la personnalisation du traitement, par exemple en proposant des modalités non conventionnelles, comme la dialyse quotidienne ou la dialyse longue nocturne. Il n’en a été rien et ces options de traitement restent toujours largement inaccessibles sur le territoire.
Une des conséquences de cette rentabilité est l’orientation massive des patients vers les modes de dialyse les plus lourds, au détriment de leur liberté de choix et des techniques autonomes, qui permettent pourtant une meilleure qualité de vie (2).
Sur ces cinq années et malgré ces coûts élevés, aucun progrès notable n’est observé pour les patients, dont le pronostic ne s’améliore pas (4).
La Cour déplore en outre l’existence de pratiques illicites de surfacturation de consultations de néphrologie (à chaque séance de dialyse, qu’elles aient lieu ou non) et la nécessité de renforcer les contrôles de l’assurance maladie.
La pathologie la plus coûteuse
En 2017, les dépenses d’assurance maladie liées à l’IRCT ont atteint 4,18 Md€, soit 2,5 % de l’ensemble des dépenses de santé financées par l’assurance maladie.
Avec 3,36 Md€ de dépenses, la dialyse était à l’origine de plus de 80 % de ce montant pour seulement 55 % des patients. L’IRCT traitée par dialyse reste la pathologie la plus onéreuse (3).
Diminution inquiétante du nombre de greffes rénales
La part des patients en IRCT greffés était de 45 % en 2017 en France, derrière notamment la Norvège (70 %), les Pays-Bas (63 %), le Royaume Uni (54 %) et l’Espagne (52 %).
La Cour des compte considère que ces comparaisons internationales montrent qu’il est possible de faire mieux en France.
Elle rappelle que la transplantation rénale est la stratégie la plus efficiente, permettant une meilleure espérance de vie, une meilleure qualité de vie, pour des coûts sensiblement inférieurs.
Entre 2013 et 2017, le nombre de transplantations rénales a progressé de 23 % ; il a cependant reculé en 2018 (3 567 greffes rénales contre 3 782 en 2017). En 2019, le nombre de transplantations rénales a de nouveau augmenté (3 641 greffes), mais n’a pas retrouvé son niveau de 2017.
Des inégalités qui s’amplifient dans l’accès à la greffe rénale
L’accès à la greffe continue à être très inégalitaire selon les régions (6). Ces inégalités qui persistent traduisent l’hétérogénéité des pratiques des néphrologues. En octobre 2015, la HAS a pourtant publié des recommandations de bonnes pratiques afin d’harmoniser les pratiques médicales.
La Cour recommande à nouveau de rendre l’accès à la greffe plus équitable et insiste sur le rôle qui devrait être celui de l’Agence de la biomédecine, pour en suivre l’application, appréhender les causes des disparités et mettre en œuvre des actions visant à les corriger. Elle devrait aussi garantir une meilleure équité de la répartition des greffons.
Le don du vivant, en recul
Dans ce contexte, le « don du vivant » constitue selon la Cour des comptes une voie à encourager. Entre 2010 et 2017, le nombre de greffes de reins permises par des dons de reins a plus que doublé, passant de 283 à 611. Depuis lors, il s’inscrit toutefois en net recul avec 541 greffes en 2018 et 508 en 2019. Aujourd’hui, moins d’une greffe sur sept procède d’un don du vivant.
Une fragilité anormale pour une “priorité nationale”
La Cour renouvelle ses inquiétudes quant à ce fléchissement de l’activité de prélèvement et greffe, qui ne se retrouve pas dans d’autres pays d’Europe (notamment en Espagne) où elle est sensiblement supérieure et poursuit son développement.
Dans une récente publication relative à la politique des greffes prises dans leur ensemble, la Cour s’est ainsi émue de la fragilité de l’activité de prélèvement et de greffe en France, qui semble peu compatible avec son statut de priorité nationale. Elle a émis plusieurs recommandations visant à favoriser leur développement (5) et considère que ce nouveau rapport renforce l’importance de leur mise en oeuvre rapide.
Après les constats, place à l’action ?
En conclusion, la Cour des comptes produit un rapport dans la suite directe de celui de 2015, qui pourrait ressembler à un constat d’impuissance : malgré la force des constats réalisés à l’époque, peu de ses propositions ont été mises en oeuvre, et globalement peu a été fait pour améliorer la qualité des soins et des parcours des patients insuffisants rénaux.
La conséquence de ce défaut d’action est une gabegie persistante d’argent public, utilisés massivement pour financer des rentes et des soins de mauvaise qualité plutôt que pour faire enfin le choix de nous mettre sur le chemin des meilleures pratiques européennes en garantissant aux patients l’accès aux traitements qu’ils auront choisis et qui seront les mieux adaptés pour eux.
Prévention, accès à la greffe, baisse des tarifs, choix des modes de dialyse : la Cour des comptes formule (à nouveau) des recommandations. Les patients ne peuvent qu’espérer qu’elles auront plus d’impact que les précédentes…
(1) C’est seulement en 2018 qu’a été effectuée la première étude de coûts permettant d’éclairer les décisions tarifaires pour l’ensemble des modes de dialyse.
Selon les données de l’Agence technique de l’information sur l’hospitalisation (ATIH), les tarifs des établissements publics et d’une partie des établissements privés non lucratifs dépassaient les coûts de 6 % en 2018, après 5 % en 2016 et 2017. S’agissant des établissements privés lucratifs et d’une partie des établissements privés non lucratifs, après une diminution de près de 11 points depuis 2014, liée aux baisses de tarifs, l’écart correspondant atteignait encore 9 % en 2018.
(2) La situation s’est encore détériorée depuis 2015 : en 2017, 76,5 % des patients étaient pris en charge en centre ou en UDM, contre 73,6 % en 2013. 15,8 % des patients étaient en autodialyse, contre 18,5 % en 2013. Enfin, moins de 8 % des patients étaient en dialyse à domicile (hémodialyse à domicile ou dialyse péritonéale), comme en 2013.
(3) devant la mucoviscidose, le cancer du poumon et l’accident vasculaire cérébral aigu.
(4): la mortalité ne diminue pas (environ 10% par an) et seuls 32 % des patients parvenant au stade du traitement de suppléance survivent plus de 10 ans.
(5) Cour des comptes, « La politique des greffes : une chaîne de la greffe fragile à mieux organiser », in Rapport sur l’application des lois de financement de la sécurité sociale, La Documentation française, octobre 2019, disponible sur www.ccomptes.fr.
(6) Par exemple, en 2017, la part de la greffe préemptive (sans dialyse préalable) parmi les patients entamant un traitement de suppléance variait de 1,5 % dans l’ex-région Lorraine à 8,1 % dans les Pays de la Loire. Le taux d’inscription sur la liste d’attente des patients de moins de 60 ans une an après le début de la dialyse variait en 2017 de 19,5 % en Nord-Pas-de-Calais à 55,2 % en Midi-Pyrénées.
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