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Cash Investigation & maladies rénales, au-delà des faits, une solution : la greffe !

L’émission Cash Investigation diffusée sur France 2 le 13/01/2022 a traité notamment des maladies rénales : intérêt de la greffe par rapport à la dialyse pour les patients et le système de santé ; freins qui empêchent ou ralentissent l’accès des patients à la greffe, notamment liés à de grandes inégalités de pratiques selon les centres, ainsi qu’à la très forte rentabilité de la dialyse ; pratiques de surfacturation d’actes fictifs ou bâclés en dialyse.

Les difficultés mises en lumière sont bien connues et dénoncées depuis des années, non seulement par Renaloo mais aussi par de nombreuses institutions : Cour des comptes (rapport sur la dialyse 2015, rapport sur la dialyse 2019, rapport sur la greffe 2019), HCAAM, Assurance Maladie, HAS (trajectoires des patients, accès à la liste d’attente de greffe), etc. Ces différentes alertes n’ont à ce jour entraîné aucun résultat tangible.

✅ La dialyse, un système très rentable… pour certains

Rappelons tout d’abord que, sur près de 2.000 néphrologues en France, plus des trois quarts sont des salariés, en hôpital public ou en association. Leur rémunération est fixe : pour eux, aucun enrichissement n’est possible en multipliant les actes. L’âge moyen des néphrologues a beaucoup diminué, il se situe autour de 47 ans. Beaucoup des plus jeunes, confrontés à des postes non statutaires et des salaires faibles, peuvent être écartelés entre l’attrait de l’exercice hospitalier et celui d’une médecine lucrative, plus rémunératrice.

➡️ Parmi l’ensemble des néphrologues, salariés ou libéraux, l’immense majorité est exemplaire, entièrement dévouée aux patients et à une spécialité conjuguant haute technicité et sollicitude.

L’essentiel est ailleurs. Depuis son invention il y a plus de 60 ans, la dialyse a sauvé et sauve encore d’innombrables vies, mais elle est aussi devenue un système reposant sur une économie de rente.

L’existence de facturation abusives en dialyse est bien connue, et les patients qui y sont confrontés sont les premiers à les déplorer. Au-delà de la fraude à l’Assurance maladie, c’est surtout une situation très délétère pour les patients dialysés, extrêmement fragiles et qui ont un besoin impérieux d’un suivi et d’un accompagnement très attentifs. Il a été montré que l’espérance de vie des patients dialysés est directement liée au temps que leur consacrent leurs néphrologues.

Avec 11% de rentabilité pour les établissements privés, un niveau plusieurs fois supérieur à celui habituellement observé dans le domaine de la santé, entièrement aux frais de la solidarité nationale, on comprend que l’émergence de structures très orientées ou entièrement dédiées à cette activité, parfois en partie détenues par des fonds de pensions, puisse conduire à ce que l’intérêt des patients et de la santé publique ne soient pas toujours considérés comme des priorités.

✅ Y a t-il un pilote dans l’avion ?

L’existence même de ce système, qui s’auto-entretient, dont la plupart des néphrologues sont aussi les victimes, a un impact délétère sur les parcours des patients, plus que jamais au cœur des préoccupations de nos politiques de santé. Elle pose aussi la question du défaut de pilotage et de contrôle, au plan financier et médical. L’absence de garant de la qualité des soins pour les patients, et des dépenses pour la solidarité nationale, n’est plus acceptable.

➡️ Ces constats appellent une réforme profonde, que nous réclamons avec force depuis des années.

✅ La greffe, le traitement qu’espèrent les patients… et leurs néphrologues !

L’autre point majeur abordé dans l’émission est la greffe. Fait internationalement reconnu, la transplantation est le meilleur traitement pour les patients dont les reins ne fonctionnent plus. Elle permet la plus longue espérance de vie et la meilleure qualité de vie. Bien moins couteuse que la dialyse, elle reste pourtant minoritaire en France. 55% des patients sont dialysés et seulement 45% sont greffés.

➡️ Ce qu’en pensent les patients ne fait aucun doute. 2.300 d’entre eux se sont exprimés tout récemment et avec force sur les mots qui représentent le mieux, selon eux, la dialyse et la greffe. La dureté des mots les plus choisis par les patients dialysés contraste avec la connotation largement plus positive de ceux des patients transplantés.

➡️ Les choses sont tout aussi claires pour les néphrologues : interrogés il y a quelques années dans l’enquête Sivoir sur le traitement qu’ils choisiraient pour eux-mêmes si leurs reins ne fonctionnaient plus, 60% d’entre eux optaient directement pour la greffe, sans passer par la dialyse.  Bien qu’il s’agisse du parcours reconnu comme le plus efficient, moins de 5% des patients en bénéficient chaque année en France.

✅ La galère de l’inscription sur liste d’attente

Cash Investigation rappelle qu’un des freins limitant l’accès à la greffe se situe dès l’inscription sur la liste d’attente. Alors que la HAS recommande qu’elle ait lieu un an environ avant que la dialyse devienne nécessaire, la moitié des patients de moins de 60 ans, pour lesquels les « vraies » contre-indications à la greffe sont très rares, ne sont toujours pas inscrits après 17 mois de dialyse (Registre REIN – Agence de la biomédecine).

➡️ Près de deux ans et demi d’écart entre les recommandations et les pratiques. Ce n’est pas rien, pour les malades d’abord, dont l’existence est profondément impactée, mais aussi pour le système de santé : 17 mois de dialyse, c’est plus de 80.000€ de coûts pour l’assurance maladie. Il s’agit là aussi un signal très fort sur les profondes améliorations qui peuvent et doivent être apportées aux parcours de ces patients.

➡️ Beaucoup de facteurs peuvent, à tort, freiner l’accès à la liste d’attente : l’âge d’abord – les délais d’inscription explosent après 60 ans – le fait d’être diabétique, d’avoir des « comorbidités » (cardio-vasculaires notamment), le niveau social, et même le fait d’être une femme…

C’est au surpoids que Cash Investigation s’est intéressée, illustrant ainsi les immenses différences de pratiques selon les centres de greffes, et les inégalités qu’elles entrainent.

✅ Surpoids et greffe, des freins à lever

Comme le souligne l’émission, l’obésité n’est considérée par la HAS comme une contre-indication à la greffe que lorsque l’IMC excède 50. Certes, les greffes réalisées sur des personnes en surpoids peuvent entraîner plus de complications, et avoir des résultats un peu inférieurs. Certes, les patients obèses en dialyse semblent avoir une survie un peu meilleure que ceux dont l’IMC est normal ou faible.

➡️ Mais l’essentiel, c’est que pour eux aussi, la greffe permet une amélioration majeure de l’espérance et de la qualité de vie. Les freins à leur inscription sur liste d’attente représentent donc des pertes de chances majeures. De plus, il existe des traitements de l’obésité qui ont fait les preuves de leur efficacité :  le rôle des équipes de greffe, si nécessaire et une fois l’inscription réalisée, est d’orienter et d’accompagner leurs patients vers ces techniques et vers la greffe.

✅ La nécessité d’une vision et d’une gestion commune

Cette émission met en lumière une mauvaise articulation des deux traitements de l’insuffisance rénale que sont la dialyse et la greffe, options thérapeutiques intimement liées, puisqu’elles concernent les mêmes patients en besoin de suppléance. L’économie de rente de la dialyse pourrait être admissible tant que le nombre de greffes rénales est élevé et augmente, puisque la greffe est l’option préférable à tous points de vue.

➡️ Malheureusement, le nombre de greffes est en diminution depuis 2017 en France, ce qui impose de questionner l’efficience des soins en dialyse, en raison du principe des vases communicants entre les deux.

La gestion jusque-là très séparée par les autorités sanitaires et médicales de ces deux traitements est devenue totalement inadaptée : elle doit être réformée afin de construire un système plus efficient pour les patients et la nation.

✅ La clé : une révolution de la greffe en France

Que ce soit en termes d’intérêt des malades ou de santé publique, le recours à la greffe en France est insuffisant, comme le rappelle la tribune publiée tout récemment dans Le Monde et signée par certains des plus grands experts français de la transplantation. Il faut donc faire plus de greffes.

➡️ Et la pénurie d’organes, dans tout ça ?

Comme le rappelle dans l’émission le Pr Georges Mourad : « les donneurs existent, il faut s’organiser pour aller les chercher. ».

✅ De fait, certains de nos voisins européens en apportent la preuve irréfutable.

La première des réponses, et sans doute la plus importante, que les patients attendent, est une décision politique claire et forte de prioriser très fortement le prélèvement et la greffe.

Cet élan, qui doit d’abord être politique, doit permettre de faire de la greffe le traitement de première intention pour tous ceux qui peuvent en bénéficier, et d’assurer à ceux qui ne peuvent y accéder pour différentes raisons légitimes, un traitement par dialyse d’excellente qualité et adapté à leurs besoins aspirations.

✅ Une révolution de la greffe est nécessaire et urgente, et le 4e plan greffe qui doit être annoncé dans les prochaines semaines, est l’occasion de la mettre en œuvre. Les patients, leurs associations et les néphrologues ne peuvent qu’être unis et solidaires pour soutenir un tel objectif.

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2 réponses de 1 à 2 (sur un total de 2)
  • Auteur
    Réponses
  • #46944
    kangol06
    Participant
    • Glomérule junior
    • ★★☆☆
    • 42Message(s)

    J’ai été dialysés 3 ans et demi et greffer en 2019 donc un sujet qui me tient à cœur c’est pour ça que je poste ce petit message pour dire que j’ai trouvé ça plutôt inutile et léger!
    Une déception même de la part de la représentante de renaloo que je trouve jouer un rôle bizarre et pas très crédible.
    On ne ressent pas la lourdeur d’un patient dialysé.
    L’accès à la greffe à été plutôt balayer d’un revers de la main ce n’est pas si simple que ça, c’est aussi une question de mentalité et de courage politique.
    Pour ce qui concerne l’inscription à la liste d’attente pour la greffe le conseil à donner à tous les patients c’est d’en parler le plus souvent possible à votre néphrologue car beaucoup d’entre eux attendent vraiment le dernier moment pour vous inscrire dans cette fameuse liste.
    Pour finir le reportage n’est pas complètement inutile évidemment !! Mais je ne sais pas expliquer pourquoi j’ai trouvé ça plutôt décevant.

    #46976
    fboi23
    Participant
    • Petit rein débutant
    • ★☆☆☆
    • 18Message(s)

    Bonjour,

    je n’osais pas m’exprimer non plus sur ce programme.

    Effectivement, les médias nous font beaucoup de mal et ne nous aident pas à nous sentir compris par le reste de la population.

    Aujourd’hui, très peu de personne ne savent ce qu’est la dialyse – à part les gens qui ont des proches concernés.
    Et par dessus le marché, on nous vend la greffe comme une solution miracle.

    Ah il y a du boulot en France, pour faire évoluer les mentalités et faire comprendre que ce n’est pas toujours facile psychologiquement d’être en IRC.

    La crise sanitaire a bien démontré que nous sommes complétement oubliés par l’état, les médias, les institutions….

    En 28 ans d’IRC s’est bien la 1ere fois que je ressens cette sensation d’oubli

    Pour revenir à l’émission, c’était juste un prétexte pour combler l’émission de Mme Lucet – Alors que j’ai trouvé la 1ere partie très intéressante (mais aussi révoltante) sur les déserts médicaux – Ce médecin de dialyse qui se fait payer des consultations à tout va, c’est une mascarade ou quoi? S’il n’est pas conscient que ce n’est pas un comportement d’esprit sais, alors il faut qu’il change de métier ce monsieur, il semblait dénoncer un système que seul lui semble appliquer.

    Bref quant à la présidente de Renaloo, je pense qu’elle est tombée dans un guet apens, mais je regrette aussi qu’elle n’ait pas défendu un peu plus notre parole par rapport à situation actuelle, et surtout insister pour exprimer au grand public ce qu’est vraiment la dialyse et que la greffe n’est pas forcément toute rose on plus.

    cette crise aura vraiment démontrée que nous sommes considérés comme une sous catégorie de sous hommes…

2 réponses de 1 à 2 (sur un total de 2)
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