Le témoignage de Pascal
« Devenir entrepreneur lorsque l’on est dialysé représente un défi semé d’embûches mais exaltant »
Pouvez-vous nous expliquer votre situation de santé et votre parcours professionnel ?
J’ai commencé à avoir des problèmes de reins à 24 ans, détectés à l’armée, mais non suivis malheureusement. À 35 ans, j’ai perdu mes reins. J’ai alors reçu dans la foulée, en moins de quelques mois, une greffe de mon petit frère qui avait 25 ans à l’époque. Ça a été le début de mon histoire rénale, une histoire qui n’est pas personnelle, mais familiale. D’abord parce que mon frère m’a donné un rein lorsque j’avais 35 ans, greffe qui a duré 10 ans et m’a poussé à changer de métier. J’ai ensuite vécu un rejet de mon greffon, suite à des problèmes personnels, je me séparais alors de ma femme. J’ai enchaîné avec une période de dialyse. Une deuxième greffe a eu lieu en 2006, grâce au rein de ma mère, greffe qui a tenu 6 ans. J’ai des difficultés à garder mes greffons car j’ai 80 % d’anticorps : mon corps réagit à chaque greffe et développe de nouveaux anticorps, ce qui laisse une petite fourchette pour le choix de greffon pour une éventuelle nouvelle greffe.
Donc ça fait un peu plus de 15 ans que je me débats dans cet environnement. Je suis en cours de création d’une entreprise. Cela fait 8 mois que je travaille sur ce projet, nous sommes à 2-3 mois de l’ouverture, mais ce n’est pas facile lorsque l’on cumule, comme moi, des petits désavantages à ses ambitions.
Vous êtes donc en dialyse depuis ce deuxième rejet ?
Oui. À ce titre, la reprise de dialyse est un moment particulièrement difficile. Physiquement c’est très dur, mais psychologiquement aussi. La dialyse vous assèche, elle vous déprime et déprime votre corps. Mais une fois la phase de transition passée, si elle a été bien gérée par les médecins comme par le malade, il y a moyen de faire beaucoup de choses !
Depuis quelques mois, j’ai la chance d’être dans un service public où tout se passe bien.
Dans le cadre de la création de mon entreprise, je fais mes dialyses de nuit, de 21h à 3h du matin, à l’hôpital Edouard Herriot de Lyon. Il s’agit des dialyses haute pression, le top de la dialyse qui nous garantit un meilleur confort.
Pourquoi avoir fait le choix d’être entrepreneur ?
À 52 ans, lorsque l’on est dialysé, le suivi est extrêmement lourd. Je vis à Lyon, les groupements hospitaliers sont disséminés tout autour de la ville, parfois dans le centre. Se rendre aux divers rendez-vous prend donc beaucoup de temps. Être salarié dans ces conditions n’est pas facile. De plus, je n’envisageais pas d’être de nouveau salarié à 52 ans.
Il m’aurait fallu trouver un poste de cadre et revenir à cet état de dépendance que j’ai déjà connu par le passé et qui ne me convient pas. J’avais d’ailleurs déjà dû changer de métier il y a 15 ans à cause de mes problèmes de reins, je revis cette expérience une nouvelle fois.
J’ai longtemps était grand reporter, j’ai ensuite créé ma première entreprise dans le sud lorsque je suis revenu en France. Ma deuxième passion après la photo, c’est la moto. Je vais donc créer un atelier de custom ouvert aux propriétaires de motos.
Monter son entreprise quand on est en dialyse : quels défis ?
Il y a de multiples problèmes qui se présentent, qui se cumulent et qui apportent une certaine lourdeur au processus de création.
D’un point de vue administratif aussi. Il y a un certain nombre de freins ou plutôt de passages obligés qui alourdissent la volonté de créer. Je suis assisté par un organisme, l’Agefiph Lyon, qui doit aider financièrement et structurellement les personnes invalides (je suis invalide à 80 %) pour les aider à monter leur entreprise. Pour réunir les fonds et monter son dossier : c’est la croix et la bannière. Parfois ne rien dire me semble être une meilleure solution pour faire comme n’importe qui.
Ne serait-ce que pour souscrire une assurance et obtenir un prêt. Il y a quelques années, mon banquier m’avait conseillé de ne rien dire, j’ai donc, sur ses conseils, fait une fausse déclaration pour que ça passe.
La situation s’améliore, les choses avancent, mais cela reste compliqué.
Par soucis d’indépendance et pour ne pas être tributaire du minimum social, je veux être indépendant financièrement, continuer à travailler, avoir des horaires et des collègues de travail, ouvrir et fermer ma boutique…C’est ça mon but.
Dans quelles mesures la maladie impacte-t-elle votre qualité de vie ?
Pour résumer, je dirais que lorsque vous tombez malade vous changez de planète. Vous devenez plus précautionneux de vous-même par la prise de médicaments à heure fixe, des traitements lourds à ne pas oublier, vous ne pouvez pas vous déplacer et voyager comme si de rien n’était. C’est une vraie tannée de vivre cela au quotidien et de devenir, sur cette base, créateur d’entreprise. Toutefois si c’est plus difficile, c’est aussi plus excitant et plus exaltant. Et c’est un défi qui m’intéresse !
Un dernier mot à ajouter ?
Les patients sont à mon avis négligés dans les centres de dialyse. Pour moi, il faut refonder le rapport patient-centres de dialyse car les personnes dialysées ne sont pas assez prises en compte.