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Audition par le Sénat : pénurie de bélatacept et pertes de chances pour les patients

✅ Ce mercredi 1er mars 2023, Renaloo était auditionné par la commission d’enquête du Sénat sur la pénurie de médicaments et les choix de l’industrie pharmaceutique française. Une thématique éminemment d’actualité, notamment pour les malades du rein, confrontés depuis bientôt six ans à d’importantes difficultés d’accès au bélatacept.

✅ Ce médicament antirejet, dénué de toxicité pour le rein, a la particularité d’être très bien toléré et de ne pas provoquer d’effets secondaires cardiovasculaires ou métaboliques – Première cause de mortalité chez les patients greffés. On sait désormais qu’il améliore la fonction des reins greffés, et prévient la formation des anticorps à l’origine des rejets chroniques. Les études récentes montrent en outre qu’il améliorerait la survie des greffons et des patients par rapport aux autres antirejets disponibles.

Cette audition a été l’occasion pour Yvanie Caillé, fondatrice de l’association, d’insister sur les importantes pertes de chances que cette pénurie occasionne pour les patients, et en particulier pour ceux qui ne correspondent pas aux indications prioritaires auxquels ce médicament est actuellement réservé. Ces patients sont notamment ceux qui ont reçu un greffon de qualité altérée, dont la fonction se dégrade à distance de la greffe, et ceux dont le greffon est abimé par la toxicité des médicaments antirejet « classiques ». Ils n’ont actuellement et depuis plusieurs mois aucune possibilité de recevoir du bélatacept en France.

Alors que leur greffon pourrait être prolongé par ce médicament, ils risquent, puisqu’ils en sont durablement privés, un retour en dialyse qui aurait pu, et dû, être retardé. Il s’agit d’un non-sens humain, en termes de santé et de qualité de vie, mais aussi économique, pour notre système de santé : un mois de dialyse coûte à l’assurance maladie près de 7.000€ en moyenne contre 1.700€ pour un mois de suivi post-greffe.

📢 Pourtant, des solutions pragmatiques existent pour élargir dès à présent l’accès au bélatacept, en particulier en faisant un meilleur usage des doses disponibles :

  1. L’optimisation des doses disponibles
    Le médicament est conditionné en flacons de 250 mg. Pour le traitement à domicile d’un patient de 50 kg, deux flacons sont utilisés : 250 mg issus du premier et 50 mg issus du second.
    Les 200 mg restants sont jetés.
    Ce gâchis est inacceptable en temps normal, mais encore plus en situation de pénurie, car ces quantités de médicament devraient bénéficier à des patients qui en sont privés. On estime que 20 à 25% de produit pourrait ainsi être récupérés si la totalité des flacons était utilisée. Pour le faire, il suffirait que les poches de médicaments aux bons dosages soient préparées non pas au domicile du patient, mais en amont, à la pharmacie de l’hôpital. Une évolution qui nécessiterait une évolution réglementaire et une organisation adaptée, déjà mise en oeuvre par exemple pour la préparation de certaines chimiothérapies.
  2. L‘espacement des doses
    Le recours à l’espacement des doses, pour des patients sélectionnés, sur la base d’un faible risque, permettrait également d’optimiser la quantité de médicament utilisée.
    Cette approche, développée par plusieurs équipes en France avec des résultats probants, permet non seulement d’éviter la surexposition, mais aussi d’en « économiser » une partie, au profit d’autres patients.
  3. Un éclaircissement indispensable sur l’évolution de la posologie
    Une augmentation de la posologie de bélatacept a récemment été exigée par l’Agence européenne du médicament, au motif de résultats de bioéquivalence qui auraient été modifiés par un changement de méthode de production. La posologie est donc passée de 5 mg à 6 mg par kg, venant mécaniquement amplifier la pénurie.

    Cette décision pose plusieurs questions :
  • Elle a été prise en l’absence de toute donnée clinique, et sans évaluation du risque de surexposition des patients au produit, et d’augmentation du risque d’infection lié à l’immunodépression.
  • Plus étonnant encore : sur la base des mêmes données, les autorités de santé américaines, pourtant réputées pour leur rigueur, ont décidé de ne pas modifier la posologie, qui est restée aux USA à 5 mg par kg. Une des deux approches est donc erronée, mais laquelle ?

Compte-tenu de son impact sur les patients, cette divergence entre les décisions européennes et américaines doit être expliquée.

➡️ Renaloo interroge depuis plusieurs semaines l’ANSM sur l’ensemble de ces sujets. Nous avons reçu un accueil intéressé, et l’assurance d’obtenir des réponses rapides. Pourtant, à ce jour, nous les attendons toujours, aucune décision n’a été prise, les réunions promises ne sont toujours pas organisées, tandis que chaque jour qui passe amplifie les pertes de chances pour les patients privés de belatacept.

Pourtant, si ces mesures étaient mises en oeuvre, plusieurs centaines d’entre eux pourraient d’ores-et-déjà en bénéficier.

D’autres questions mériteraient de trouver des réponses.
En particulier, la pénurie de belatacept est supposée être mondiale.
Pourtant, nos correspondants aux USA nous confirment qu’aucune limitation de l’accès n’y a été mise en place et que tous les patients qui en ont besoin peuvent à ce jour en bénéficier sans aucun délai. Cette variabilité des contraintes selon les pays interroge sur les critères, notamment financiers, pris en compte par le laboratoire BMS pour ventiler les stocks.

🏥 Cette audition par le Sénat nous a permis d’insister sur la responsabilité des différents acteurs vis-à-vis de cette pénurie dramatique :

  • Celle du laboratoire BMS, qui, après six années, n’a toujours pas fait le nécessaire pour la résoudre et semble bien peu motivé par le devenir de ce médicament et des patients qui en ont besoin
  • Celle des autorités sanitaires françaises, et notamment de l’ANSM, dont on attend non seulement qu’elle régule les pratiques des industriels, mais aussi qu’elle mettre tout en oeuvre pour protéger le plus efficacement et le plus rapidement possible les patients des pertes de chances. A ce stade, nous sommes loin du compte, et beaucoup d’opportunités ont déjà été manquées.

Nous serons amenés à porter très prochainement ces sujets lors de l’audition de Renaloo par la mission de régulation des produits de santé, dont fait partie Magali Léo, responsable du plaidoyer de l’association.

Voir la vidéo de l’audition par le Sénat

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