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Dialyses abusives à Nancy : Renaloo dépose plainte

🏥 Au cours de l’été 2023, Renaloo a été informé qu’un nombre important de patients avaient subi ces dernières années des dialyses en urgence, sans nécessité médicale, dans un établissement de santé privé lucratif de Nancy. Leur point commun : ils souffraient d’insuffisance rénale aiguë, dont le traitement aurait dû imposer des soins médicaux, mais en aucun cas la dialyse. Des expertises médicales ont confirmé ces pratiques maltraitantes, mettant en danger les patients et violant leurs droits. Malheureusement, la plupart d’entre eux ignorent à ce jour les abus et agressions dont ils ont été victimes.

👉 Pour Éric[1], bénévole à Renaloo, dialysé en urgence il y a quelques années, de façon parfaitement justifiée dans son cas, se souvient avec émotion de cette procédure invasive et notamment de la pose du cathéter de dialyse : « ça reste pour moi un moment très douloureux : sous anesthésie locale, on vous enfonce un trocart de 5 mm de diamètre dans le cou et jusqu’à proximité des cavités du cœur. Faire subir cela sans nécessité médicale, ça relève tout simplement de la barbarie ». La pose de cathéter de dialyse et la réalisation de séances de dialyse non justifiées expose à des risques de complications, pouvant aller jusqu’au décès[2].

La gravité de la situation a entrainé des lancements d’alerte dès le printemps 2023[3] par deux des quatre néphrologues exerçant dans cet établissement, qui souhaitaient qu’il soit mis fin à ces pratiques. Saisie par Renaloo, la Commission nationale de déontologie et d’alerte en santé publique et environnementale (CnDAspe) a constaté « des actes de maltraitance médicale, une mise en danger de personnes vulnérables et de graves écarts aux bonnes pratiques médicales ». Elle a transmis en septembre 2023 l’affaire au procureur de la République de Nancy, au Conseil national de l’ordre des médecins et à l’Agence de la Biomédecine.

➡️ Malgré la gravité des faits pour lesquels ils sont mis en cause, les praticiens incriminés sont toujours en activité. La seule mesure concrète, prise par l’établissement après de nombreux échanges avec Renaloo, a été la mise sous tutelle depuis novembre 2023 de toute nouvelle prescription de dialyse par un néphrologue extérieur. Cette décision nécessaire n’est pas suffisante. À notre connaissance, ni l’établissement, ni l’ARS Grand Est n’ont réalisé de signalement auprès de la justice, alors que l’article 40 du code de procédure pénale leur en fait l’obligation, empêchant ainsi toute sanction pour les praticiens et toute information des victimes potentielles. « C’est révoltant que des médecins capables de telles agressions sur leurs malades exercent toujours et ne soient pas inquiétés par la justice. Je n’aimerais pas faire partie de leurs patients ! » s’indigne Éric.

🚨 La gravité des actes commis à Nancy est exceptionnelle et nécessite l’intervention de la justice. Renaloo dépose plainte auprès du procureur de la République de Nancy pour atteinte à l’intégrité du corps humain, mise en danger de la vie d’autrui et abus de faiblesse. Nos objectifs : une enquête approfondie, l’information des victimes et la prévention de récidives.

A la même période, une autre situation grave, impliquant l’ATIRG, une association de dialyse en Guyane, a été révélée en novembre 2023,  suite à une perquisition et à la mise en garde à vue de cinq personnes. Les enquêteurs ont mis à jour des pratiques de non-inscriptions massives des patients dialysés sur la liste d’attente de greffe. Ces patients auraient été trompés par leur médecin, se pensant en attente de greffe, alors que ce n’était pas le cas, depuis parfois des années. 1,4 million d’euros en espèces ont également été découverts. Les dirigeant de l’ATIRG ont été renvoyés devant le tribunal correctionnel de Cayenne pour des faits d’abus de faiblesse et de travail dissimulé. L’association Renaloo s’est portée partie civile.

Deux éléments communs entre ces deux affaires :

  • des actes méprisant volontairement les règles de bonnes pratiques, l’éthique du soin, l’intérêt, la santé et les droits des patients, qui ont perduré pendant des années avant d’être dénoncés.
  • la gravité des conséquences pour les victimes : « On perçoit bien la cruauté physique des dialyses non justifiées. Mais priver de greffe un patient dialysé sans motif médical, c’est un préjudice effroyable, une condamnation à la dépendance, la privation de tout espoir d’une existence plus longue et plus normale[4] » conclut Éric.

Renaloo est particulièrement préoccupée par ces constats, ainsi que par l’absence de dispositif de surveillance et de contrôle qui doit permettre de repérer et de mettre un terme à ces pratiques déviantes. Nous sommes aussi abasourdis par l’inertie de la réponse des institutions aux lancements d’alerte à Nancy, ainsi que par l’omerta ambiante, qui conduit à ce que la plupart des acteurs soient terrorisés par les risques de représailles et réduits au silence. Les risques de dérives associés à la dialyse ont été pointés avec force à deux reprises par la Cour des comptes[5], en 2015 puis en 2020. Ces deux rapports ont à ce jour été laissés sans suite.

📢 Nous appelons les pouvoirs publics à apporter des réponses rapides pour protéger les patients et leur redonner la possibilité d’accorder sans réserve leur confiance aux médecins et aux établissements qui les prennent en charge.

➡️ Voir l’article paru dans le journal Le Mondu du 31 janvier 2024 “Un centre de dialyse Nancéien accusé de mauvaises pratiques”


[1] Le prénom a été modifié à des fins de préservation de l’anonymat.

[2] Risques liés à la pose du cathéter : Pneumothorax, pouvant être suffocant, ponction artérielle avec hématome parfois sévère pouvant être compressif, troubles du rythme, lésions cardiaques, allergie à la xylocaïne, injection intra vasculaire de xylocaïne pouvant occasionner des lésions du tissus cardiaque, embolie gazeuse, hémorragie, décès immédiat ou différé. A distance de la pose : infection du site, infection du cathéter, septicémie, risque d’arrachage spontané, chute, thrombose ou sténose, gros bras, risque de migration de la thrombose et d’embolie pulmonaire.

[2] Risques liés à la dialyse : infections, thrombose multiples, AVC, infarctus, arrêt cardiaque, perte de chance de récupération rénale pour des patients en insuffisance rénale aigue.

[3] En direction de l’Hôpital Privé Nancy Lorraine et de nombreuses institutions, dont l’Agence régionale de santé du Grand Est, l’Assurance Maladie, et le ministre de la Santé.

[4] En comparaison à la dialyse, la transplantation rénale améliore sensiblement l’espérance de vie et la qualité de vie. https://www.has-sante.fr/jcms/c_1292525/fr/comment-developper-la-transplantation-renale-prise-en-charge-la-plus-efficiente-de-l-insuffisance-renale-chronique-terminale

[5] https://www.ccomptes.fr/sites/default/files/EzPublish/20150915-rapport-securite-sociale-2015-insuffisance-renale-chronique-terminale.pdf
https://www.ccomptes.fr/system/files/2020-02/20200225-03-TomeI-insuffisance-renale-chronique-terminale.pdf

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2 réponses de 1 à 2 (sur un total de 2)
  • Auteur
    Réponses
  • #55911
    D .David
    Participant
    • Petit rein débutant
    • ★☆☆☆
    • 2Message(s)

    J’ai été dans un cas similaire à aix en provence :
    1 – ma clairance lorsque le néphro m’a imposé la dialyse était supérieure à ma clairance maintenant que je suis greffé, et ma diurèse était normale, ainsi que toutes mes constantes (en dehors de la clairance et de l’hémoglobine bien entendu).
    2 – le néphro m’a refusé la dialyse péritonéale, disant que ça ne se faisait plus de nos jours et qu’il n’y avait que l’hémodialyse de possible.
    3 – La source de ma fatigue se trouvait dans une baisse de mon hémoglobine, qui aurait pu être résolue par de l’EPO à l’époque.

    On m’a dialysé des années trop tôt, ma maladie (génétique) évoluait très lentement depuis une décennie déjà, mais ce néphro semblait vraiment pressé de me faire rentrer dans son centre de dialyse. J’ai perdu le bon usage de ma main gauche lors de la pose de la fistule, on m’a abimé le nerf radial et il n’y a jamais eu d’amélioration depuis, j’ai des douleurs quotidiennes depuis plus de 10 ans.
    Le médecin en question facturait une séance de consultation par patient quand il passait simplement dire “bonjour” (rien de plus, juste “bonjour”), et il ajoutait un “acte technique spécialisé” (plus de 100€) quand il daignait s’arrêter 30 secondes pour lire le dossier de dialyse du jour.
    Il m’a toujours été refusé de personnaliser la dialyse, ayant une diurèse normale et une insuffisance rénale modérée, avec des complications lors des dialyses (maux de tête très importants, vomissements systématiques), il aurait été du simple bon sens de me faire des dialyses réduites, mais 400/400 pendant 2H était la seule formule au menu de ce centre.

    Une honte, si je ne vivais pas dans la plus grande pauvreté j’aurais fait appel à un avocat.

    #55974
    Renaloo
    Maître des clés
    • Néphropathe confirmé
    • ★★★★
    • 1441Message(s)

    Bonsoir, il n’est peut-être pas trop tard pour obtenir réparation et pour mettre fin à des pratiques inadmissibles, qui entrainent des préjudices et pertes de chances majeurs pour leurs victimes. N’hésitez pas à nous solliciter si vous souhaitez qu’on en parle.

2 réponses de 1 à 2 (sur un total de 2)
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