La position des politiques
Dans une interview donnée au magazine La Croix, Pierre-Louis Fagniez, député (UMP, Val-de-Marne) et rapporteur du projet de loi sur la bioéthique, se positionne de façon très réservée sur le don du vivant…
Débat. Faut-il plus de prélèvements sur donneurs vivants ? Cela pose plus de problèmes que cela n'en résout.
Interview : Pierre-Louis Fagniez, député (UMP, Val-de-Marne), rapporteur du projet de loi sur la bioéthique.
"Recourir aux donneurs vivants permet d'élargir les indications de la greffe tout en mobilisant un beau geste de solidarité. C'est pourquoi, en tant que chirurgien, j'aurais tendance à y être favorable. Mais en tant que parlementaire, je suis opposé à l'augmentation de ce type de prélèvements, pour trois raisons.
D'abord, le prélèvement fait courir un risque non négligeable au donneur. Le risque de mortalité consécutif par exemple au prélèvement d'un foie est de 1 % (risque anesthésique, complications post-opératoires, etc.). Quant à la morbidité, elle peut atteindre 15 à 20 %. Il est tout de même problématique qu'une intervention médicale, qui n'est justifiée par aucune nécessité thérapeutique, crée une pathologie chez quelqu'un initialement en bonne santé.
Un autre problème, moins souvent évoqué, tient au devenir psychologique du donneur. Au début, celui-ci est tout auréolé de son geste. Un élan de solidarité, d'affection entoure le don. Mais par la suite, une période difficile peut survenir, ainsi que l'attestent plusieurs études. Les psychiatres expliquent que, de " sujet ", le donneur devient " objet ". Parfois, des conflits surgissent, une relation complexe s'installe. Le donneur se prend à penser qu´il aurait dû être payé ; le receveur, avec le temps, est moins reconnaissant, etc. Bref, l'après-don peut être problématique.
Le troisième élément est l'argent.
Le soi-disant " don " peut être monnayé. Nous avons des exemples d'arrangements au sein des familles : je te donne tel organe, en échange, tu me cèdes ta part d'héritage. Des pressions psychologiques de tous ordres peuvent aussi s'exercer sur le donneur.
Pour toutes ces raisons, il me paraît déraisonnable d'envisager le recours au donneur vivant comme une alternative au prélèvement sur cadavre. La vraie réponse à la pénurie d'organes en France n'est pas là, mais dans une réorganisation du secteur de la greffe. Car si l'on manque d'organes, ce n'est pas parce le nombre de morts encéphaliques serait insuffisant, mais parce que la moitié d'entre eux ne sont pas prélevés. Il faut donc en priorité remédier à ce problème persistant, au lieu de chercher à le compenser en sollicitant les donneurs vivants, qui ne doivent être utilisés qu'à bon escient, dans des indications marginales pour lesquelles la greffe cadavérique n'est pas envisageable."