La position des politiques
A l'occasion de son audition par la Mission parlementaire d'information sur la révision de la loi de bioéthique, le 10 juin 2009, l'ancien député Jean-Michel Dubernard déclarait :
"En tant que chirurgien transplanteur, et je ne suis pas le seul à être de cet avis, je suis très réticent aux greffes à partir de donneur vivant car je crois impossible qu’il ne s’exerce pas de pressions sur le donneur, qu’elles émanent directement de la famille ou soient interiorisées par le donneur potentiel lui-même, qui jugera par exemple intolérable qu’une sœur ou un frère soit contraint à être dialysé à vie alors qu’il serait si simple qu’il leur donne un rein.
La frontière entre amour, altruisme, contrainte subtile – concept développé par la philosophe éthicienne Michela Marzano –, devoir, sacrifice et obligation est ténue et difficile à établir. Michela Marzano écrit ainsi que « le don crée un ensemble de correspondances libres ; il ne peut pas se manifester sans réciprocité ni correspondances, même si la réciprocité reste toujours libre et n’est jamais une réponse nécessaire au don reçu ». « Le don s’effectue toujours gratuitement », poursuit-elle, « sans intention de rétribution mais il ne peut pas être pensé dans l’absence complète de désir d’échange d’affects et de réciprocité. » S’il n’est pas question de nier l’existence d’un « don gratuit, accompli pour le bonheur de l’autre en sacrifiant quelque chose qui vous appartient », il existe aussi un « don empoisonné qui peut être une forme de chantage, s’orienter vers la destruction psychologique de l’autre ou aboutir à une dette infinie intolérable ».
Quoi qu’il en soit, il n’y a jamais de bénéfice direct pour le donneur, hormis la satisfaction d’avoir fait preuve de solidarité.
(…)
En conclusion, il ne faut pas modifier les dispositions de la loi sur le don d’organes et surtout ne pas élargir le champ potentiel des donneurs vivants, en dépit des pressions légitimes auxquelles vous allez être soumis, émanant d’associations de patients qui font valoir la faiblesse des risques pour les donneurs – ils sont faibles, c’est vrai, mais leur victime décède à tout coup ! –, mais aussi de certains médecins, y compris ceux du réseau Centaure que j’ai contribué à mettre en place, qui ne tolèrent pas que des patients meurent faute de greffons."