Le témoignage de Philippe

Le témoignage de Philippe

“La fermeture de mon unité de dialyse de nuit m’a contraint à arrêter de travailler…”

Atteint d’une maladie rénale depuis l’âge de 7 ans, j’ai dû débuter l’hémodialyse à 17 ans, en 1984. Par chance, j’ai pu dès le départ faire de la dialyse de nuit, avec des séances de 7 heures, de 22h à 5h du matin, trois fois par semaine. Même si c’était difficile, j’ai pu poursuivre ma scolarité.

Un an plus tard, j’étais greffé. Malgré un démarrage compliqué, cette greffe m’a permis de mener une vie normale pendant 12 ans. J’ai obtenu mon BEP d’électrotechnique, puis j’ai été embauché en tant qu’ambulancier.

Malheureusement en 1996, mon rein a cessé de fonctionner à cause d’un rejet chronique. J’ai dû recommencer la dialyse, toujours en hémodialyse longue nocturne. A la même période, la société qui m’employait a cessé son activité pour raisons économiques. J’ai été licencié et j’ai fait différentes formations.

Puis j’ai décidé de me mettre à mon compte en tant qu’artisan taxi. J’ai pu exercer ce métier sans difficulté pendant 15 ans, jusqu’à ce que le centre hospitalier de Vannes décide de fermer la dialyse de nuit. Nous étions sept patients, dont la plupart travaillaient, à avoir recours à cette modalité. Ca faisait plusieurs années qu’on entendait parler de ce projet de fermeture, pour des motifs économiques. Il y avait déjà eu des alertes, les médecins étaient intervenus, l’échéance avait pu être repoussée…

Mais en juin 2014, je n’ai pas eu d’autre choix que de passer en dialyse « conventionnelle », avec des séances de 4 heures, trois fois par semaine. J’ai immédiatement ressenti la différence en termes d’état de santé et de fatigue. Rapidement, plusieurs complications sont intervenues. L’épuration qu’on obtient en quatre heures est bien inférieure à celle que me procuraient les sept heures de nuit… Médicalement, il était clair que ce n’était pas suffisant pour moi.

A partir de décembre 2014, je suis passé en hémodialyse quotidienne, à raison de 2 heures tous les matins, à l’hôpital, de 9h à 11h, six jours par semaine. Ca a eu un effet bénéfique sur mon état, mais je n’ai pas retrouvé la vitalité que j’avais en dialysant la nuit… Le traitement occupe donc maintenant toutes mes matinées.

J’ai dû renoncer à mon activité, je vais devoir revendre ma licence de taxi. Après un arrêt maladie de quelques mois, je suis en train de basculer vers un régime d’invalidité, dont j’ignore encore comment il sera indemnisé. Je m’attends à ce que mes revenus soient au moins divisés par deux…

Je vis très mal cette situation. Mon souhait est de continuer à travailler, mais dans l’immédiat c’est très compliqué. En plus du temps que me prend la dialyse, je me sens aussi moins en forme, plus vulnérable. Pas évident de convaincre un employeur de vous recruter avec ce risque de défaillance…

Il n’y a aucune autre possibilité de dialyse de nuit à moins de 150 km de mon domicile. Une nouvelle greffe n’est pas possible pour moi, je sais que je devrai être dialysé tout le reste de ma vie.

La seule option serait de faire mes séances à domicile, ce qui me permettrait d’adapter totalement la durée et les horaires à mes besoins… On me l’a proposé, mais pour le moment j’y suis opposé, ainsi que mon épouse. Nous avons des enfants. La maladie prend déjà et depuis très longtemps une place très importante dans nos vies, nous n’avons pas du tout envie de la ramener à la maison…