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Rapport REIN : qui sont les patients dialysés et greffés en France et comment sont-ils soignés ?

Le dernier rapport REIN propose des informations chiffrées du registre REIN sur l’ensemble des patients traités par dialyse ou greffe en France en 2022.

Ces données permettent de faire un état de lieux, mais aussi de suivre les évolutions dans le temps. Renaloo s’est donc replongé dans les précédentes éditions pour y récupérer des données des années antérieures.

🔥 On ne peut qu’être frappé par la dégradation des principaux indicateurs clés pour les patients : autonomie, qualité de la dialyse, modalités compatibles avec l’activité professionnelle, accès à la liste d’attente de greffe, place de la greffe pour les patients jeunes.

🔥 La très grande variation des pratiques selon les régions, avec de très mauvaises pratiques qui continuent d’être observées, sans évolution notable, est également particulièrement inquiétante. 

 Le nombre de patients dont les reins ne fonctionnent plus et traités par dialyse ou greffe a augmenté de 10% en 5 ans. Fin 2022, 93.084 patients au total étaient traités par dialyse ou greffe (84.683 en 2017). Ces chiffres sont inférieurs de près de 8% à ceux de l’Assurance Maladie, qui rapporte 100.720 patients en 2022.

Le nombre de nouveaux patients débutant un traitement de suppléance connait des évolutions. Au total, la tendance est à la diminution : 10.975 patients en 2022 contre 11.437 en 2021 (11.543 en 2017) et c’est une très bonne nouvelle.

Cependant, cette diminution concerne principalement les plus âgés, et en particulier les plus de 75 ans, dont le nombre diminue de 11% entre 2017 et 2022.

En revanche, le nombre de patients jeunes augmente : +2% pour les moins de 19 ans (129 en 2022 contre 126 en 2017) et +5% pour les 20-44 ans (1038 en 2022 contre 984 en 2017). Cette tendance est préoccupante, alors même que de nouvelles thérapeutiques devraient permettre de mieux traiter les maladies dont ces patients jeunes sont atteints. L’Assurance Maladie a justement récemment montré que les jeunes malades du rein semblent moins bien suivis que les plus âgés. C’est pourtant dans ce groupe d’âge que l’on retrouve les maladies rénales qui progressent le plus rapidement.

  La dialyse autonome continue de régresser

Les modalités de dialyse dites “autonomes”, en favorisant la participation et l’engagement des patients vis-à-vis de leur traitement, et en leur donnant une plus grande liberté, contribuent à une meilleure qualité de vie et à favoriser le maintien dans l’emploi et dans la vie sociale.

  • Dialyse autonome = autodialyse, hémodialyse à domicile, dialyse péritonéale à domicile + patients en entraînement pour ces techniques
  • Dialyse non autonome = centre et UDM

➡️ 77% des patients sont désormais en dialyse non autonome (76,5% en 2017, 70,7% en 2009) – centre (51,7%) ou unité de dialyse médicalisée (UDM, 26%).

➡️ Le pourcentage de patients en UDM continue d’augmenter (+ 6,9% par an entre 2012 et 2017 puis 2,6% entre 2017 et 2022).

➡️ Seulement 14,4% des patients sont en autodialyse (15,8% en 2017, 21,4% en 2009).

➡️  L’hémodialyse autonome varie de 2 % à 31 % selon les régions.

➡️ 1,5% des patients sont en hémodialyse à domicile, en légère augmentation (0,9% en 2017). Cela reste très peu ! L’hémodialyse à domicile reste très faible dans toutes les régions, sauf en Basse-Normandie.

➡️  5,5% des patients sont en dialyse péritonéale (6,1% en 2017), en diminution constante depuis 2012.

🔥 Pour comprendre les causes de ce recul de la dialyse autonome, voir notre article “Pourquoi l’organisation de la dialyse cherche t-elle à décourager l’autonomie des patients ?”

 Quel accès à une meilleure qualité de dialyse (séances plus longues ou plus fréquentes) ? 

Le format « conventionnel » de l’hémodialyse, de trois fois quatre heures par semaine, est le format minimal recommandé. Il ne constitue qu’un médiocre palliatif au fonctionnement continu, vingt-quatre heures par jour, de reins en bonne santé : il reproduit moins de 15% d’une fonction rénale normale.

🥇 Des séances plus longues ou plus fréquentes permettent de s’en rapprocher d’avantage et d’améliorer qualité de vie, espérance de vie, et tolérance du traitement. 

➡️ En 2022, seulement 8% des patients ont bénéficié de séances d’hémodialyse d’une durée supérieure à 4h trois fois par semaine.

➡️ 237 patients seulement (sur plus de 51.000, 0,6%) étaient en hémodialyse longue (plus de 6h, 3 fois par semaine). Ce nombre est en diminution de près de 30% depuis 5 ans (325 en 2017).

➡️ Moins de 500 patients (1,2%) étaient traités en hémodialyse quotidienne à bas débit (au moins 5 séances par semaine, pour des durées de 2 à 3h), contre 250 en 2017. Cette modalité reste très peu accessible dans beaucoup de régions (de 0 à 4,7% selon les régions).

  Dialyse et activité professionnelle : un défi de plus en plus insurmontable

  Contrairement à une idée reçue, les patients en dialyse ne sont pas tous âgés : plus d’un tiers sont en âge de travailler (entre 18 et 64 ans) et rencontrent d’immenses difficultés pour concilier leur activité avec leur traitement.

Moins de 2.000 patients en France (<4% du total) bénéficient de séances d’hémodialyse du soir ou de nuit, compatibles avec une activité professionnelle. Ce type de séances, pourtant indispensables à l’insertion professionnelle, est en diminution rapide et devient inaccessible dans beaucoup de régions.

 Quels parcours pour les patients dont les reins cessent de fonctionner ?

➡️ Au cours de l’année 2022, 10.541 personnes ont commencé un traitement par dialyse et 434 par greffe préemptive, sans passer par la dialyse.

➡️ Bien qu’il s’agisse du traitement prioritaire recommandé, la greffe préemptive est en diminution et ne concerne plus que 3,9% des patients (contre 4,7% en 2017).

➡️ De façon stable depuis des années, 30% environ des patients ont démarré en 2022 la dialyse en urgence.

 Et la greffe ?

La greffe rénale est le meilleur traitement, qui permet d’améliorer de façon importante espérance de vie et qualité de vie par rapport à la dialyse. La greffe est aussi beaucoup moins coûteuse que la dialyse. Pour ces raisons, l’ensemble des recommandations plaident pour élargir fortement le recours à la greffe. Voir notamment le rapport Charges et Produits 2025 de l’Assurance Maladie.

Le développement de la greffe est l’objectif du 4e plan greffe. Pourtant, la place de la greffe reste très insuffisante :

➡️  La répartition dialyse / greffe n’évolue pas depuis des années : 44,5% des patients sont greffés (41.422), 55,5% dialysés (51.662)alors que ce rapport est au moins inversé dans de nombreux pays.

Mais si on examine ce qui se passe par tranche d’âges, on voit que la place de la greffe diminue pour les patients âgés de 20 et 74 ans :

  • 67% des 20 – 44 ans sont greffés en 2022, contre 68% en 2017
  • 58% des 45 – 64 ans sont greffés en 2022, contre 59% en 2017
  • 40% des 65 – 74 ans sont greffés en 2022, contre 42% en 2017

La seule tranche d’âge pour laquelle la place de la greffe augmente, fortement, est celle des plus de 75 ans : de 3% de greffés en 2017 à 18% en 2022.

Chez les enfants, le taux de patients greffé reste majoritaire et stable, à 76%. Leur nombre reste heureusement faible : 724 moins de 19 ans greffés et 227 dialysés.

➡️ Peut-on mieux faire ? Sans aucun doute.

L’Espagne, qui mène depuis plusieurs décennies une politique de priorisation de la greffe, parvient à des résultats très supérieurs à ceux de la France : la proportion de patients greffés est sensiblement plus importante dans toutes les tranches d’âges (source : registre espagnol de la maladie rénale chronique). La qualité des soins de la défaillance rénale est donc bien meilleure en Espagne qu’en France.

 Un accès à la liste d’attente de greffe toujours trop faible, trop tardif et inégalitaire

➡️ L’inscription sur la liste reste souvent trop tardive. La moitié des patients de moins de 60 ans ayant commencé la dialyse à partir de 2017 ne sont toujours pas inscrits après 10,8 mois de dialyse, alors que les recommandations prévoient qu’ils le soient au moins 12 mois avant le début de la dialyse. Il existe donc près de deux ans de décalage entre les recommandations et les pratiques, qui impliquent des pertes de chance importantes pour les patients.

L’accès à la liste d’attente et à la greffe restent toujours très inégalitaires, avec des pratiques d’inscription très variables selon les régions et les établissements.

➡️  Plus de 23.500 patients ont été en attente d’une greffe de rein en 2023, contre 18.793 en 2017 (+26% en 5 ans).

➡️  Une fois inscrit, les inégalités se poursuivent, avec des durées médianes d’attente qui vont de moins d’un an à près de cinq ans selon les hôpitaux.

➡️  De plus, parmi les candidats à la greffe rénale, la part des patients en contre-indication temporaire (CIT, c’est à dire inscrits mais qui ne peuvent pas être greffés) atteint près de 50%, en progression constante. Beaucoup de ces patients ne sont pas informés de leur statut sur la liste d’attente.

Le rapport REIN 2022 propose des informations précieuses, bien que complexes d’accès, sur la façon dont les patients en défaillance rénale sont traités dans notre pays.

Au regard de l’évolution qui semble peu favorable de cette prise en charge, on peut regretter que les données soient publiées avec deux années de retard… et s’inquiéter de la situation actuelle si les tendances observées se sont poursuivies ! Il faudra attendre l’automne 2026 pour obtenir les données 2024.


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