Lomu, un mythe foudroyé
2 juin 2003, sport24.com
Jonah Lomu ne jouera sans doute plus jamais au rugby. La star mondiale souffre d’une grave maladie à un rein et devra subir une greffe. La planète ovale perd son plus grand ambassadeur, un extraterrestre qui a révolutionné ce sport à lui tout seul.
Une fin de carrière irrémédiable
A seulement 28 ans, Jonah Lomu doit mettre un terme à sa carrière de joueur de rugby. La faute à un grave dysfonctionnement rénal, le syndrome néphrotique, qui détériore les fonctions vitales du rein et entraîne de multiples effets secondaires comme de l’anémie, le gonflement des membres ou des pertes de sang. Lomu, comme de nombreux maoris, était a priori prédisposé à cette maladie et en a toujours probablement souffert alors que le mal ne fut décelé qu’en 1996. Joeli Vidiri, un autre ailier All Black, a connu le même problème et a mis un terme à sa carrière après une greffe. Le phénomène d’origine tonguienne devra passer lui aussi sur le billard. Depuis 1996, il suivait un traitement très lourd pour soigner sa maladie et pouvoir continuer non seulement à vivre normalement, mais aussi et surtout à jouer au rugby. Durant ces sept années, il était parvenu à dompter le mal, ou du moins à repousser l’échéance.
Cette année, le spectre du virus l’a rattrapé. Auteur d’une saison très moyenne avec les Wellington Hurricanes dans le Super 12, Lomu n’était que l’ombre de lui-même. Lent et pataud, il ne jouait quasiment plus, et il avait même été exclu de la liste des All Blacks retenus pour la tournée de la France et de l’Angleterre en juin. En réalité, son état de santé se détériorait chaque jour, et la semaine dernière, il a du être hospitalisé à Auckland dans un état de fatigue extrême afin d’y subir des séances de dialyse. Ensuite, il devra se faire transplanter un rein valide pour retrouver un vie normale. Il n’a plus d’autre alternative que de mettre un terme à sa carrière. Car il faudra d’abord trouver un organe compatible (de nombreux fans se sont déjà portés volontaires) et ensuite procéder à la greffe, sans garantie de succès. Après, il faudra épargner le nouveau rein, et il lui sera impossible de le martyriser dans un sport de contact comme le rugby. Jonah Lomu a donc disputé son dernier match avec Wellington le 29 mars contre Waikato.
Une carrière exceptionnelle
Lomu restera comme la première et peut-être la plus grande star du rugby mondial. Joueur hors norme (1, 96m pour 118 kilos), il débarque sur la planète ovale en 1994 avec la fulgurance qui le caractérise déjà. A 19 à peine et après seulement trois matches à l’aile (il est troisième ligne de formation), il est sélectionné sous le mythique maillot à la fougère argenté et devient le plus jeune All Black de l’histoire. En 1995, il va éclabousser de sa classe la Coupe du monde en Afrique de Sud et provoquer inconsciemment la plus grande révolution de l’histoire de ce sport. Par ses performances extraordinaires, notamment ses quatre essais en demi-finale contre l’Angleterre, Lomu ouvre le rugby à la face du monde et va attirer un public grandissant, en même temps que des sponsors qui ont flairé le bon filon. Le professionnalisme fera son entrée dans le rugby un an plus tard, en partie grâce à un extraterrestre néo-zélandais qui repousse les limites de ce jeu.
Un phénomène unique
Malgré une première interruption de carrière en 1997 pour suivre un premier traitement, le plus célèbre numéro 11 du monde ne cessera de susciter de l’admiration chez les supporters en même temps que de la peur chez les adversaires. Auteur de 37 essais en 63 sélections, sa puissance et sa vitesse bouleversent les règles établies dans le microcosme de l’ovalie. Les gabarits dans les lignes de trois-quarts explosent, les systèmes de défense sont travaillés pour tenter de stopper «la machine Lomu». On ne verra plus jamais sur un terrain ses charges dévastatrices, ses courses folles, ses raffuts destructeurs dont le pauvre ailier anglais Tony Underwood cauchemarde encore depuis 1995. Sur son site internet, Lomu déclare : Mon rêve a toujours été de porter le maillot des All Blacks et il n’a pas changé. Je vais tout faire pour retrouver ma meilleure forme, et avec vous tous je peux y arriver. Il faut toujours avoir un rêve.». Le grand joueur est aussi un grand monsieur, d’un courage et d’une volonté exemplaires. Mais il faut être réaliste, Jonah Lomu ne rechaussera plus jamais les crampons. Il aura été une étoile filante, comme un mythe qui tutoie les sommets avant de replonger brutalement dans la réalité. Le joueur s’en va, et son souvenir restera à tout jamais dans nos mémoires, mais l’homme sera bientôt guéri. Au fond, c’est bien là l’essentiel.
Aymeric Marchal