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Les dialysés parlent de leur détresse

7 novembre 2000, Le Quotidien du Médecin

Au centre hospitalier de Valenciennes, des patients dialysés depuis plusieurs années ont raconté leur vie de malade suspendue à une “machine d’acier”. Leur récit souvent bouleversant a changé le regard des soignants et la façon d’aborder l’éducation de ces patients.

De notre correspondante

Tout a commencé par l’apparition d’infections chez des malades suivis en centre d’autodialyse. Plusieurs d’entre eux présentaient une infection de la fistule malgré des séances d’éducation à l’hygiène des mains et à la préparation de l’avant-bras.

Pour comprendre l’origine du problème, l’équipe de soignants a décidé d’interroger les patients sur leur représentation de la dialyse et leur vécu quotidien. Au total, seize malades ont été visités chez eux, par une infirmière du service, qui les a écoutés longuement parler d’eux et de leur vie rythmée par les dialyses. Seize entretiens d’une heure trente, tous bouleversants, tant ils révèlent une immense détresse.

Le regard des autres

“Je suis venue les rencontrer dans leur environnement, loin de l’hôpital et des blouses blanches. Ils m’ont parlé sans retenue, avec une grande franchise”, confie Sandrine van Oost, la jeune infirmière qui a mené ces entretiens. Les malades racontent pêle-mêle la fatigue incessante, le regard des autres qui vous rangent définitivement parmi les grands malades… Et puis la promiscuité pesante lors des séances de dialyse, le bras abîmé qu’il faut cacher sous une manche longue.

Ces patients expliquent les troubles au sein du couple, la perte de l’estime de soi, la vie qui bascule du jour au lendemain dans la maladie : “Le 7 au soir je présidais une réunion de quatre-vingts personnes ; le 8, j’étais aux urgences et, le 9, dans une chambre de dialyse.”

“J’étais un monsieur, je ne suis plus qu’un malade”, confie un homme de 50 ans. La tristesse, l’envie d’en finir et le dégoût devant une telle existence, “accroché à cette machine de fer qui vous maintient en vie”, la perte de liberté et l’impossibilité de faire des projets, le sentiment d’être devenu un fardeau pour sa famille, il y a tout cela dans ces entretiens : une somme de détresse et d’émotions libérées comme un flot de paroles.

“La force des mots nous a interpellés, souligne le Dr Vincent Lemaitre, chef du service de néphrologie. Des années après, les patients gardent un souvenir intense de leur première dialyse. On ne mesurait pas à quel point le choc était profond. Durant cette période, les malades sont tellement fragilisés psychologiquement qu’ils ne sont pas réceptifs au message d’éducation”.

Ce constat a amené l’équipe à revoir son approche. Elle réfléchit à des séances collectives d’information pour dédramatiser la maladie et surtout à une prise en charge permettant plus d’écoute. “Dire à des malades en train de vivre des choses aussi dures qu’ils doivent se laver soigneusement les mains a un côté dérisoire, souligne Bernard Germain, coordinateur de l’éducation du patient à l’hôpital de Valenciennes. Il faut du temps pour évacuer toute cette charge émotionnelle et digérer l’entrée dans la maladie. Cela suppose beaucoup d’écoute des soignants et une certaine intimité avec le malade lors des premières dialyses.”

Des conditions pas toujours faciles à réunir dans un contexte hospitalier.

Florence QUILLE

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