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Bélatacept : la pénurie sans fin d’un médicament antirejet

✅ Le Nulojix (bélatacept), utilisé en prévention du rejet de greffe rénale, a fait la preuve de son intérêt pour un nombre important de patients transplantés. Malheureusement, depuis plus de 5 ans, une pénurie de ce médicament limite son accès aux patients qui en ont besoin, oblige au recours à d’autres traitements moins adaptés, et entraîne des pertes de chances importantes.

➡️ Le Bélatacept, commercialisé par le laboratoire BMS, a des propriétés intéressantes :

  • Il n’est pas toxique pour le rein, contrairement aux autres traitements anti-rejet les plus utilisés en France
  • Il améliore la fonction des reins transplantés
  • Il diminue la survenue d’hypertension artérielle et de diabète, très fréquentes avec les autres traitements anti-rejet
  • Il prévient la formation des anticorps dirigés contre le greffon, à l’origine des rejets chroniques, qui sont une cause importante d’échec de greffe

Il s’administre en perfusion, d’une durée de 30 minute, toutes les quatre semaines.

Renaloo s’est mobilisé dès 2013 pour que ce médicament soit remboursé en France.

De nombreuses actions ont été réalisées : des plaidoyers, parfois en commun avec les professionnels, la toute première contribution d’une association de patients à la commission de la transparence de la HAS, ou le recours au droit d’alerte de la HAS.

Un combat de longue haleine

✅ Jusqu’en 2020, le bélatacept est resté à la charge des hôpitaux, dont beaucoup refusaient de le financer, limitant fortement son accès et entrainant de fortes inégalités. Cette situation imposait aussi aux patients de se rendre à l’hôpital une fois par mois, l’administration à domicile n’était pas possible.

En 2017, en raison d’une modification de la chaîne de fabrication de ce médicament, sont apparues des « tensions d’approvisionnement », qui n’étaient supposées durer que quelques mois. Dès lors, un contingentement des doses a été mis en place.

Malgré ces prévisions optimistes, la situation ne s’est pas améliorée.

✅ En 2020, avec la pression de la crise Covid qui mettait en danger les patients immunodéprimés se rendant à l’hôpital, les choses ont enfin bougé. Depuis mai 2020, il peut être administré au domicile des patients et il est alors pris en charge par l’Assurance Maladie. En revanche, lorsqu’il est administré à l’hôpital, il reste à la charge de l’établissement.

Suite à ces évolutions, une recrudescence des prescriptions a été observée (+3% par mois selon BMS), qui a été encore amplifiée par la confirmation de l’intérêt du médicament, reconnu notamment dans de nombreuses publications scientifiques.

Récemment, le passage vers un nouveau procédé de fabrication a entrainé une demande des autorités européennes du médicament d’augmenter la dose d’entretien mensuel du produit, qui est passée de 5mg / kg à 6mg / kg entrainant une augmentation de la consommation de l’ordre de 20% et contribuant d’autant à l’aggravation de la pénurie.

🚨 Elle est désormais telle qu’elle met en danger la poursuite même des traitements déjà initiés.

Un arrêt temporaire des initiations a été décidé en août 2022.

Aucune nouvelle initiation de traitement n’est désormais possible sans arrêts de traitements d’autres patients.

Des indications prioritaires ont été décidées :

  • Non fonction primaire : situation d’un rein qui vient d’être greffé et qui ne redémarre pas ou très mal
  • Microangiopathies thrombotiques : maladie aiguë qui altère les petits vaisseaux du rein greffé et qui est aggravée par les autres traitements antirejet

Cette situation a bien sûr des conséquences graves pour les patients relevant des autres indications du bélatacept, privés de ce médicament alors que leur situation le nécessiterait, notamment :

  • Les patients ayant reçu un greffon de mauvaise qualité, qui montre une dysfonction documentée par biopsie dans un délai de un à cinq ans après la greffe
  • Ceux dont la fonction du greffon est altérée de façon chronique par la toxicité des autres médicaments antirejet

Dans les deux cas, l’absence d’accès au bélatacept va entraîner une dégradation plus rapide du rein greffé, proportionnelle à la durée du non-recours et donc de la pénurie. Les pertes de chances associées sont déjà majeures, des greffons qui auraient dû être « sauvés » ou améliorés vont continuer à se dégrader ou seront perdus.

A quand la fin de la pénurie ?

✅ Une « amélioration » de la situation est espérée à partir de mars 2023, avec la perspective d’importation de faibles quantités du médicament depuis les USA, qui permettront au maximum 10 initiations par mois sur toute la France.

L’augmentation progressive de la capacité de production du laboratoire devrait permettre un retour « à la normale » d’ici un an.

Mais quel crédit accorder à cette information, qui nous est servie invariablement chaque année depuis 2017, pour finir par être démentie ?

Face à cette situation, nous demandons :

  • La transparence sur les raisons de cette pénurie sans fin, qui persiste depuis plus de 5 ans, sans qu’on puisse expliquer pourquoi, au bout de tout ce temps, le laboratoire n’a toujours pas pris les mesures nécessaires pour adapter sa production ?
  • Une évaluation précise de l’ampleur des pertes de chances : nombre de personnes privées d’accès au bélatacept du fait des restrictions et conséquences en termes de survie des greffons.
  • Aux autorités sanitaires françaises et européennes de jouer pleinement leur rôle : les industriels doivent être tenus de produire leurs médicaments en quantité adaptée à la demande.
  • La réévaluation de la pertinence de l’augmentation de la posologie de 20%, exigée par l’EMA pour l’Europe dans le contexte de pénurie, sachant que les autorités de santé américaines, confrontées à la même question, n’ont pas demandé cette évolution.
  • Une réelle gestion de la pénurie, afin d’optimiser les doses disponibles : aujourd’hui, un patient de 50 kg doit recevoir 300 mg de bélatacept toutes les quatre semaines.
    Le médicament est conditionné en flacons de 250 mg. Pour un traitement à domicile, deux flacons sont utilisés : 250 mg issus du premier et 50 mg issus du second.
    Les 200 mg restants sont jetés.
    Un gâchis d’autant plus inacceptable en situation de pénurie car ces quantités de médicament devraient bénéficier à des patients qui en sont privés. On estime que 20 à 25% de produit pourrait ainsi être récupérés si la totalité des flacons était utilisée.
  • Le recours à l’espacement des doses, pour des patients sélectionnés, sur la base d’un faible risque et de la mesure de leurs taux résiduel de bélatacept. Cette technique, développée par plusieurs équipes en France avec des résultats probants, permet non seulement d’éviter la surexposition au produit, mais aussi d’en « économiser » une partie au profit d’autres patients.

✅ Aujourd’hui, 2.269 personnes ayant reçu une greffe de rein seraient sous bélatacept en France (selon un bilan qui n’est que provisoire) dont 900 auraient été ajoutées sans être dûment déclarées au laboratoire ces derniers mois, et ce malgré le contingentement des doses.

⚠️ Selon nos experts, au moins 50% de l’ensemble des transplantés rénaux en France, soit environ 20.000 patients, pourraient relever de ce traitement. On est très loin du compte. De fait, pénurie ou pas, de nombreuses équipes ne prescrivent pas du tout le bélatacept.

👉 Nous demandons que tout soit mis en œuvre pour que la fin tant attendue de la pénurie de bélatacept se produise le plus rapidement possible, et qu’elle conduise à un accès enfin équitable sur le territoire aux traitements les plus adaptés pour chaque patient.

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