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L’IRC et la greffe en Inde : le prix des vies…

Par le Pr Vijay Kher, consultant senior en nephrologie, hôpital Indraprastha Apollo, New Dehli, Inde
Intervention issue du Colloque France-Maghreb ” Quelle politique de coopération en matière de greffes pour les pays du Maghreb ? ” les 3-4 octobre 2003 à Marseille

L’insuffisance rénale chronique constitue un problème croissant aujourd’hui dans les pays en voix de développement, en raison de ses conséquences médicales, sociales et économiques.
Sa prise en charge par des thérapies de remplacement est étroitement liée aux conditions économiques et socio-économiques du pays, ainsi qu’au niveau du système de santé et aux stratégies de ces différents pays.

Pour comprendre le cas de l’Inde, il faut d’abord rappeler que l’Inde est un continent regroupant un 6 ème de la population mondiale avec une très grande diversité sur le plan des religions, des langues, et du développement économique. Il est très difficile d’avoir des données précises sur l’insuffisance rénale dans les pays en voie de développement dans la mesure où il n’existe pas de registre, les chiffres exacts d’incidence et de prévalence ne sont pas connus, et les seules données recueillies le sont au niveau des rares centres de soins de niveau tertiaire.

Les caractéristiques du patient atteint d’insuffisance rénale chronique en Inde peuvent être résumées comme suit, et sont assez différentes de celles que l’on rencontre dans les pays industrialisés : il s’agit d’un homme dont la moyenne d’âge est de 32 – 42 ans ; 61,3% des insuffisances chroniques se révèlent en tant qu’insuffisance chronique terminale, la mise en dialyse intervient de façon tardive dans des tableaux cliniques compliqués, et globalement, l’insuffisance rénale est diagnostiquée très tard, faute de mesures préventives.

En néphrologie, les services disponibles au niveau du pays reposent sur la présence de 600 néphrologues, 400 unités de dialyse, 1000 postes privés de dialyse, et 118 centres de greffe, dont 80% appartiennent au secteur privé. Parmi les patients, 58% ne sont pas pris en charge, 13% décèdent, et 17% bénéficient d’une greffe.

Venons en à l’activité de greffe rénale en Inde : il s’agit essentiellement d’une activité à partir de donneurs vivants. Il n’y a pas à l’heure actuelle de programme organisé de greffe à partir de donneur décédé, ni d’organisation chargée de la répartition des organes.
2500 à 3000 greffes de rein sont effectuées par an, dont 50 à 60% à partir de donneurs vivants non apparentés. Parmi les complications il faut noter l’importance des complications infectieuses, présentes parmi 50 à 70% des receveurs, avec une mortalité de 20 à 60%.

La tuberculose occupe une place importante parmi ces complications infectieuses (10 à 13% des patients), posant également le problème des interactions entre le traitement immunosuppresseur et les antituberculeux. Pour ce qui est des autres infections, les infections virales, hépatites notamment, HBV et HCV, ont souvent été contractées à l’époque de la dialyse.

Le coût des traitements de substitution représente 10 fois le produit annuel brut par habitant, alors que par exemple au Etats-Unis, il ne représente que 2 fois le revenu brut par habitant et 80% de ce coût est pris en charge par l’Etat.

En Inde, la prise en charge des thérapeutiques de remplacement représenterait 25% du budget de la santé, en faveur de 0,01% de la population. Aussi serait-il inéquitable et non justifié d’utiliser ainsi des fonds qui sont susceptibles d’apporter des bénéfices à long terme à une partie beaucoup plus importante de la population en agissant sur la mortalité infantile et maternelle, la vaccination, l’assainissement, la malnutrition et le contrôle des maladies transmissibles. Des stratégies de réduction des coûts peuvent être recherchées dans une réduction du temps de la dialyse en pré-greffe, par des stratégies de greffe préventives, par un arrêt de la cyclosporine après 6 ou 12 mois après la greffe, et par l’utilisation de la cyclosporine générique.

Sur le plan éthique, la prise en charge de l’insuffisance rénale terminale constitue un véritable dilemme pour les néphrologues : est-il légitime de commencer une thérapeutique substitutive chez un patient dont les ressources sont limitées et qui arrêtera son traitement après avoir épuisé les ressources de la famille ?

Par ailleurs, la pénurie en organes, l’absence de développement d’un programme à partir de donneur décédé, et la pauvreté et les problèmes économiques sont propices au développement du trafic d’organes (50 à 60% des greffons provenant de donneurs non apparentés sont associés à une commercialisation de l’organe).

Il est difficile dans des sociétés marquées par des inégalités économiques majeures et par la pauvreté de faire la différence entre des donneurs vivants ” émotionnellement liés ” et des donneurs vivants non apparentés (exemple des donneurs recrutés par des intermédiaires, des prisonniers exécutés en Chine, ou des patients d’un hôpital psychiatrique en Argentine). Les résultats des greffes à partir de donneurs vivants non apparentés dans les pays en voie de développement sont variables selon les sources.

Quoi qu’il en soit, on constate dans une étude qu’après le don 99% des donneurs, si c’était à refaire, préfèreraient mendier ou emprunter plutôt que de vendre leur rein. Certains proposent de ” légaliser ” la vente de rein sous certaines conditions (supervision par une organisation à but non lucratif, anonymat donneur-receveur, vérification de la santé physique et mentale du donneur).

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