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Donner un rein de son vivant : quels risques à long terme ?

La greffe à partir d’un donneur vivant est le meilleur traitement pour les patients dont les reins ne fonctionnent plus. Mais les risques pris par les donneurs, à court et à long terme, ont toujours été une préoccupation majeure. C’est une question que se posent en particulier les personnes en attente de greffe, souvent réticentes à faire courir un danger, aussi faible soit-il, à un proche.

Trois études (1)(2)(3), réalisées entre 2009 et 2011 aux États-Unis, ont comparé la santé de grands nombres de donneurs vivants à celle de la population générale. Elles ont montré que le risque d’insuffisance rénale terminale est plus faible chez les donneurs que dans la population générale et que leur espérance de vie est supérieure.

Ces résultats très rassurants ont cependant été tempérés par deux études plus récentes, qui comparent cette fois des donneurs vivants non pas à la population générale, mais à des personne en excellente santé, qui auraient pu être sélectionnées pour donner un rein.

1. La première a été réalisée en Norvège(4). Elle compare 1.901 donneurs à 32.621 personnes contrôles. Même si seulement 9 donneurs ont évolué vers l’insuffisance rénale terminale, cette étude a montré que ce risque est multiplié par 11 (0,47% versus 0,067%). De même, elle a montré que la mortalité des donneurs est augmentée : 25 ans après le don, 18% des donneurs étaient décédés, contre 13% du groupe contrôle. Cependant, les donneurs étaient en moyenne âgés de 8 ans de plus que les contrôles et ont été suivis pendant une période beaucoup plus longue.

2. La deuxième étude(5), conduite aux États-Unis, compare 96.217 donneurs à 9.364 personnes contrôles. Elle montre également que le risque d’insuffisance rénale terminale est multiplié par 7. Mais là aussi, il reste faible : 0,9% des donneurs vivants contre 0,14% parmi les personnes contrôles. Par ailleurs il ne s’agit pas de cas réellement observés au cours de l’étude, mais du résultat d’un modèle statistique de prévision.

Ces données ont conduit le Comité européen sur la transplantation d’organe du Conseil de l’Europe à publier en 2016 sa position sur la greffe de donneur vivant, qui doit désormais être la base de l’information de toute personne se proposant de donner un rein à un proche.

Voici ses conclusions :

La greffe à partir d’un donneur vivant est la meilleure option en terme de survie du patient et du greffon. Ses résultats sont supérieurs à ceux de la dialyse et de la greffe avec donneur décédé.

La mortalité péri-opératoire du don de rein est très rare. Elle est par exemple 6 fois plus faible que celle de l’ablation de la vésicule biliaire par laparoscopie.

– L’analyse de grandes populations aux États-Unis et en Europe ne permet pas de déterminer l’existence d’un possible risque de mortalité accrue des donneurs en comparaison de non donneurs en bonne santé.

Les candidats au don de rein doivent être sélectionnés parmi les individus qui ont le risque le plus faible de développer une insuffisance rénale terminale durant leur vie. Bien que deux études aient montré que le risque d’insuffisance rénale terminale est augmenté de 7 à 11 fois comparé à des non donneurs, il reste plus faible que dans la population générale (0,47 à 0,9%).
Ce risque concerne principalement les personnes noires et celles qui ont un lien biologique avec leur receveur, lui-même atteint d’une maladie rénale de cause immunologique ou génétique. En effet, dans cette situation, il est possible que la maladie se déclenche aussi, y compris tardivement, chez le donneur. Il existe des tests permettant de diagnostiquer ces maladies ou de mesurer le risque qu’elles surviennent.

Le fait d’être obèse, d’avoir une hypertension artérielle, ou d’être noir augmente le risque pour un donneur de développer une insuffisance rénale terminale.

– Enfin, l’âge au moment du don intervient : il est plus difficile de prédire l’évolution à long terme chez les donneurs jeunes que chez les plus âgés.

Tous ces éléments renforcent la nécessité :
– d’une sélection médicale et d’une information détaillée des donneurs potentiels,
– après le don, d’un suivi régulier et à vie de leur santé.

D’après le Pr Michèle Kessler

 

(1)  Long-Term Consequences of Kidney Donation. Ibrahim HN, Foley R, Tan L, Rogers , Bailey RF, Guo H, Gross CR, J. Matas AJ. N Engl J Med 2009; 360:459-69.
(2)  Perioperative Mortality and Long-term Survival Following Live Kidney Donation. Segev DL, Muzaale AD, Caffo BS, Mehta SH, Singer AL, MD, Taranto SE, McBride MA, Montgomery RA. JAMA, 2010 ; 303 : 959-966
(3)  Ethnic and Gender Related Differences in the Risk of End-Stage Renal Disease After Living Kidney Donation. Cherikh WS, Young CJ, Kramer BF, Taranto SE, Randall HB, Fand PY. American Journal of Transplantation 2011; 11: 1650–1655
(4) Long-term risks for kidney donors. Mjøen G, Hallan S, Hartmann A, Foss A, Midtvedt K, Øyen O, Reisæter A, Pfeffer P, Jenssen T, Leivestad T, Line PD, Øvrehus M, Dale DA, Pihlstrøm H, Holme I, Dekker FW, Holdaas H. Kidney International 2014; 86: 162–167
(5)  Risk of End-Stage Renal Disease Following Live Kidney Donation. Muzaale AD, Massie AB, Wang MC, Montgomery RA, McBride MA, Wainright JL, Segev DL. JAMA 2014; 311: 579-586.

 

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