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Les bonnes et les mauvaises idées pour accroître les dons d’organes

Pour accroître les dons d’organes

Jean-Louis Touraine, député du Rhône et néphrologue transplanteur, a publié le 2 novembre 2010 dans Libération une Tribune consacrée à ses propositions pour développer les dons d’organes en France. Alors que le Parlement va se pencher sur le projet de loi de bioéthique, il s’interroge sur la question de la pénurie et il dénonce les obstacles et prétextes opposés aux transplantations. Ce n’est pas une complication ou le rejet immunitaire qui est la cause principale d’échec d’une greffe aujourd’hui, “c’est la non-greffe”. Nombreux sont les patients qui attendent très longtemps une greffe et certains décèdent.

Pour Jean-Louis Touraine, il est urgent de “lever le verrou des oppositions indues à la transplantation”. Il évoque son expérience pendant plus de quarante ans en transplantation : “je n’ai pas le souvenir d’un seul patient ayant opposé une réflexion philosophique lorsqu’une greffe lui a été proposée : nul n’est contre la transplantation quand il s’agit d’en bénéficier ! Si toute la population est favorable à la transplantation, comment expliquer que plus d’un tiers des organes ne sont pas prélevés du fait d’une opposition familiale ?”

Ces oppositions sont ambigües alors que l’actuel texte de loi ne requiert pas l’avis des membres de la famille mais “le témoignage le plus juste et le plus assuré de la volonté du défunt”. Si un certain nombre de personnes n’expriment pas clairement leur volonté en matière de don d’organes, “il importe de présumer que l’immense majorité des personnes, étant favorables à la transplantation, n’ont pas d’objection au prélèvement d’organes post mortem”.

Jean-Louis Touraine propose d’adresser une lettre, co-signée par la ministre de la santé et des personnalités de la société civile, à tous les Français de plus de 18 ans, leur expliquant les besoins des malades et les enjeux de la greffe. Cette lettre “indiquerait que toute personne non inscrite avant le 1er janvier prochain sur le registre de refus sera considérée come ayant donné son accord pour un prélèvement après sa mort”. En rendant possible le prélèvement chez tout Français adulte venant de mourir et non inscrit sur le registre de refus, cette mesure éviterait, selon lui, de responsabiliser de façon souvent pénible des familles touchées par le deuil.

Une dépêche parue le 3 novembre revient quant à elle sur l’expérience des Pays Bas, qui ont mis en place il y a une douzaine d’années un dispositif assez proche de celui préconisé par Jean-Louis Touraine et dont le bilan fait l’objet d’un article publié dans Transplantation. Depuis 1998, les citoyens peuvent faire enregistrer dès l’âge de 12 ans, leurs préférences sur le don d’organes et de tissus. La démarche n’est pas obligatoire. Le registre des donneurs propose quatre possibilités : oui je donne ma permission au prélèvement; non, je ne la donne pas; mes proches décideront ou une personne spécifique décidera. Pour encourager chacun à faire sa déclaration, un courrier a été adressé à tous les adultes en 1998 puis chaque année à tous les jeunes qui ont 18 ans et des campagnes d’information sont régulièrement organisées.

Aujourd’hui, seuls 38% des Néerlandais de plus de 12 ans ont fait enregistrer leur préférence et le nombre de donneurs a diminué. Le taux de donneurs décédés par million d’habitants était de 12,3 en 2008 (pour rappel, 22.2 en France et 35 en Espagne, deux pays s’appuyant sur le consentement présumé).

Une évaluation a été faite sur 2.101 cas de donneurs potentiels recensés en unités de soins intensifs entre 2005 et 2008. Sur les 1.864 donneurs potentiels pour lesquels le registre a été consulté, il n’y avait pas trace d’enregistrement pour 56%. Un consentement avait été enregistré pour 20% et 18% avaient formulé une objection. Dans les 6% de cas restants, si le registre indiquait de suivre la décision des proches, le taux de refus a été significativement inférieur à ce qu’il était en l’absence d’enregistrement des volontés du défunt (46% versus 63%).

Dans 6% des cas où le consentement au don avait été enregistré par le défunt de son vivant, les proches ont quand même refusé le don. Le taux de refus augmentait avec l’âge du donneur potentiel.

“Le faible niveau d’inscription à ce registre et le taux élevé de refus des proches restent un problème difficile dans le processus de don.”, notent les auteurs.

Pour eux, “le régime de consentement présumé reste une meilleure alternative car cela peut renforcer l’idée selon laquelle le don est une bonne chose et un standard socialement accepté. Cela encouragerait les personnes à s’informer sur le don et à en parler avec leurs proches, ce qui permettrait d’éviter les décisions forcées des proches au moment difficile du décès”.

(Transplantation, vol.90, n°6, p677-682)

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