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Les médicaments immunosuppresseurs utilisés pour la greffe

Lorsqu’un malade est transplanté, son système immunitaire va identifier le greffon comme un corps étranger et se défendre en le détruisant. C’est le mécanisme du rejet.

Pour le combattre, on utilise des médicaments immunossuppresseurs (ou encore anti-rejet). Ils ont pour objectif d’abaisser le système immunitaire du patient pour le rendre incapable de se retourner contre le greffon, tout en le maintenant à un niveau suffisant pour qu’il puisse continuer à remplir son rôle de protection de l’organisme…

C’est un pari difficile et un équilibre précaire que l’on cherche donc à atteindre. D’autant que le traitement devra être maintenu aussi longtemps que le greffon fonctionne. Dans la mesure où l’organisme ne reconnaîtra jamais le greffon comme une partie de lui-même, le rejet peut intervenir n’importe quand, même des années après la greffe…

C’est pourquoi il est indispensable de prendre ses médicaments chaque jour, en respectant parfaitement la prescription médicale !
Voir la rubrique consacrée à l’observance

Plusieurs types de médicaments sont désormais disponibles. La plupart du temps, c’est une combinaison de plusieurs d’entres eux qui est utilisée. Ces associations de plusieurs molécules ont permis de faire baisser le taux de rejet aigu d’environ 50 % au début des années 90 à environ 15%, voire moins, à l’heure actuelle.

Si chaque molécule a ses propres effets indésirables, les effets secondaires dus à l’immunosuppression elle-même sont malheureusement une réalité : c’est la survenue d’infections et de cancers (voir les complications possibles de la transplantation rénale).

Relativisons tout de même : une surveillance accrue associée à une adaptation des traitements permet d’en limiter la fréquence et les effets.

Voici un panorama des molécules disponibles à l’heure actuelle, et de leurs principales caractéristiques…

Ce sont les médicaments qui sont utilisés dans les premiers jours suivant la greffe (on parle d’induction, ils permettent une immunosuppression plus intense durant cette période clé…) ou encore ponctuellement, pour lutter contre un rejet aigu.

On peut citer :

  • la Thymoglobuline®
  • le Muromonab (OKT3®)
  • le Daclizumab (Zénapax®)
  • le Basiliximab (Simulect®)
  • le CD52 (campath-1h®)

L’Azathioprine (Imurel®)

Cette molécule est un des plus anciens immunsuppresseurs, puisqu’elle est utilisée depuis les années 60. Son action consiste à inhiber la division des cellules en bloquant la duplication de son ADN. Elle est aujourd’hui de moins en moins utilisée au profit de traitements plus efficaces pour lutter contre le rejet. Elle s’administre en association avec les corticoïdes ou d’autres agents immunosuppresseurs.

L’Acide mycophénolique (Cellcept®, Myfortic®)

Il est commercialisé sous deux formes différentes : le mycophénolate mofétil (Cellcept®) et le sel sodique (Myfortic®).

Pour résumer, ce médicament bloque une enzyme qui intervient dans la fabrication d’un des constituants de l’ADN. La prolifération cellulaire caractéristique de la réaction immunitaire du rejet devient impossible.

Le mycophénolate mofétil ou MMF peut avoir des effets secondaires digestifs importants (diarrhées…) ou infectieux. Il est contre indiqué en cas de grossesse (risque de malformation du foetus)…

Le Myfortic® est un nouveau venu sur le marché, et constitue une alternative au Cellcept®. Il serait mieux toléré du point de vue digestif, mais cet avantage n’a pas été validé par la commission de la transparence…

Ces deux médicaments sont en fait très similaires. Tous deux sont utilisés en association avec d’autres immunosuppresseurs.

La Ciclosporine (Sandimmun®, Néoral®)

La ciclosporine est certainement le plus connu des immunosuppresseurs. C’est cette molécule qui a transformé le paysage de la transplantation d’organes au début des années 80. Schématiquement, son action est de limiter la production de certaines substances qui interviennent dans l’activation de nombreuses cellules immunitaires. L’intensité des réactions immunitaires contre le greffon est donc fortement réduite.

Le principal inconvénient de la ciclosporine est qu’il est néphrotoxique, c’est à dire qu’il peut endommager le greffon et induire à terme une insuffisance rénale…

Les autres effets indésirables possibles du traitement dépendent en général de la dose utilisée, ce sont principalement :

  • l’hyperpilosité
  • l’hypertrophie des gencives
  • les tremblements
  • l’hypertension artérielle

La ciclosporine doit être prise toutes les 12h. Il semble que le pamplemousse puisse augmenter les taux résiduels de ciclo dans le sang, donc il est déconseillé d’en absorber en même temps que ce médicament.

Le Tacrolimus (Prograf®, aussi appelé FK506…)

C’est un médicament très proche de la ciclosporine. Ses effets secondaires sont similaires, il est également néphrotoxique, il ne provoque toutefois ni hyperpilosité, ni hypertrophie des gencives (les filles seront sensibles à ces arguments !), mais peut induire une élévation des taux de sucre dans le sang, voire un diabète.

Même problème avec le pamplemousse, à éviter !

Sirolimus (Rapamune®) et évérolimus (Certican®)

Le sirolimus se distingue de la ciclosporine et du tacrolimus par son mode d’action et par l’absence de néphrotoxicité. Pour schématiser, la rapamycine bloque l’activation des lymphocytes contre le greffon.

Cependant, il est à l’origine d’hyperlipidémies (augmentation des taux de cholestérol) nécessitant l’administration de statines et de problèmes dermatologiques (acné, aphtes).

Il semble qu’il ait des propriétés antiprolifératives, c’est à dire qu’il puisse freiner ou stopper l’évolution d’un cancer. Pour cette raison, il est de plus en plus souvent utilisé chez les greffés qui développent des cancers de la peau.

L’évérolimus a été introduit plus récemment sur le marché, il est très similaire au sirolimus.

En juillet 2009, des chercheurs ont montré que la rapamycine avait la propriété d’augmenter l’espérance de vie des rongeurs.

Encore appelés stéroïdes, ou glucocorticoïdes, ou plus simplement cortisone (Solupred®, Cortancyl®)

Depuis quelques années, de plus en plus d’équipes en France et dans le monde n’utilisent plus la cortisone en transplantation rénale, ou ne l’utilisent qu’à faibles doses au début de la greffe pour l’arrêter au bout de quelques mois, sauf dans des cas bien précis (patients immunisés par exemple).

L’intérêt de pouvoir se passer de ce médicament est certain au regard de ses multiples effets secondaires, comme la prise de poids et la rétention d’eau, la cataracte, la fragilité de la peau, l’intolérance au glucose (diabète), l’ostéoporose, etc.

Les précautions à prendre lorsqu’on est sous traitement immunosuppresseur…

Lorsqu’on prend plusieurs types de médicaments en même temps, des interactions peuvent se produire.

Les ” mélanges ” peuvent modifier ou perturber les propriétés des médicaments, en augmentant ou en diminuant leurs effets, voire en les rendant toxiques.

On comprend facilement l’importance de ce problème avec les immunosuppresseurs, d’autant que les molécules susceptibles de provoquer des interactions sont nombreuses :

  • certains anti-hypertenseurs (les inhibiteurs calciques, les inhibiteurs de l’enzyme de conversion),
  • certains médicaments contre le cholestérol (statines),
  • certains antidépresseurs,
  • certains antibiotiques,
  • certains antifongiques,
  • les diurétiques,
  • les anti-inflammatoires non stéroïdiens (ce sont des anti-douleur, certains d’entre eux sont vendus sans prescription médicale !),
  • etc.

Il est donc indispensable d’être très vigilant, d’éviter absolument l’automédication et d’interroger votre équipe de transplantation avant de prendre tout nouveau médicament, même s’il est prescrit par un médecin ou conseillé par un pharmacien.

En effet, les différentes interactions médicamenteuses avec les anti-rejets sont si spécifiques que seuls les spécialistes de la transplantation sont à même de les connaître avec précision…

De nouvelles molécules sont actuellement à l’essai ou à l’étude et les laboratoires pharmaceutiques travaillent d’arrache pieds à la recherche du “médicament miracle”, en suivant quatre pistes distinctes et pas forcément contradictoires :

  • augmenter l’efficacité
  • diminuer les effets secondaires
  • personnaliser la prescription au malade : c’est l’individualisation du traitement

Actuellement, l’adaptation des doses de médicaments est basée essentiellement sur le poids des patients…

Or, on sait depuis peu que la pénétration des médicaments dans les cellules, et donc leur degré d’efficacité (ou de toxicité), varie d’un individu à l’autre en fonction de certaines mutations génétiques.

Cette science nouvelle s’appelle la pharmacogénétique. Elle permettra probablement de mieux individualiser les traitements immunosuppresseurs pour les rendre à la fois plus efficace et moins toxique.

Induire ou détecter un état de tolérance.

Cette dernière option s’appelle “l’induction de tolérance“, son objectif étant l’utilisation d’un traitement immunosuppresseur à la phase initiale de la greffe, puis son arrêt et la poursuite de la fonction du greffon.

Cette technique nécessitera vraisemblablement une très lourde immunosuppression initiale faisant courir un risque important au patient…

Elle fait l’objet de nombreux projets de recherche à l’heure actuelle, aux Etats Unis notament. Certains résultats semblent prometteurs, même s’il faut rester très prudent… Transplantation : un pas vers l’induction de tolérance

Une piste assez similaire, sur laquelle travaille en France l’équipe de Nantes, vise à identifier les malades qui pourraient spontanément devenir tolérants à leur greffon. Une fois dépistés, ces patients “particuliers” pourraient voire leur traitement immunosuppresseur fortement diminué, voire totalement arrêté.

La recherche en Europe

Afin d’encourager le développement clinique des médicaments immunosuppresseurs de l’avenir, la Direction générale pour la Recherche de la Commission européenne a décidé de soutenir un Projet Intégré répondant aux priorités de l’Union.

Ainsi, l’accent sera mis sur l’utilisation de cellules tolérogènes générées dans des plates-formes de thérapie cellulaire, le partenariat entre les équipes académiques et l’industrie européenne (en particulier les entreprises de biotechnologie), la formation du personnel de santé aux principes de la tolérance en transplantation, et la participation active des associations représentatives des patients.

Gratifié du soutien financier de l’Union européenne pour un montant de 10 millions d’euros pour les années 2005 à 2010, le projet, dénommé RISET (Reprogramming the Immune System for the Establishment of Tolerance), rassemble vingt et un partenaires de dix pays différents, parmi lesquels quatorze centres de recherche académique, dont quatre équipes francophones.

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  • #48393
    Yvanie
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