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Les points importants abordés lors du congrès 2004 de la Société de Néphrologie à Marseille


En réservant un atelier des Journées de Marseille à la réflexion éthique en néphrologie, le comité scientifique prend acte d’une réalité et d’un besoin : la prise de conscience effective de la dimension éthique de l’acte médical par les praticiens et l’introduction de ce paramètre dans leur pratique quotidienne. Le débat éthique n’est plus réservé aux réunions privées des comités de sages. Il fait partie des outils de la décision médicale de terrain.

FACE AUX GRANDS débats de société, les comités consultatifs d’éthique organisent une réflexion pluridisciplinaire et donnent avis sur les questions soulevées par les progrès de la recherche biomédicale, leur application en médecine et l’évolution non forcément synchrone de la société. Dans la pratique médicale quotidienne, les médecins expriment le besoin de mieux appréhender les arguments de leurs choix thérapeutiques ou de leurs comportements médicaux dans une relation de soin rendue parfois difficile, inconfortable, voire conflictuelle, par les pathologies, les thérapeutiques ou les personnes. L’objectif commun pour les intéressés, soignants et soignés, est de maintenir ou de rétablir le dialogue, dans un échange symétrique et transparent fondé sur la confiance et le respect mutuel.
Chaque praticien doit désormais trouver le juste milieu dans des logiques contradictoires : informer sans inquiéter ; assister et guider sans l’imposer un choix thérapeutique ; négocier entre ignorance et autonomie des malades ; offrir le meilleur des ressources médicales sans dépasser les limites du raisonnable ; concilier intérêt individuel pour un patient donné et intérêt collectif pour une société dont il faut épargner les ressources de santé et des sociétés à venir sur lesquelles il ne faut pas hypothéquer.

Les premiers questionnés.

Les néphrologues ont une expérience particulièrement sensible et documentée de l’évolution de la réflexion éthique médicale imposée par les avancées de la science et des biotechnologies. Pionniers dans les techniques de suppléance extracorporelles et, de ce fait, les premiers questionnés par les enjeux éthiques de la médecine technique, ils ont connu différentes périodes. Après les miracles de survie offerts par l’utilisation des premiers reins artificiels, ils ont été confrontés aux dilemmes de sélection des indications et des patients, tenant compte de l’âge, des pathologies associées et de la mise à disposition de ce nouveau type de ressource thérapeutique distribué de façon parfois très inégale en fonction du lieu géographique. Puis, la réflexion s’est décalée vers un objectif visant de nos jours à éviter une poursuite thérapeutique déraisonnable.

La transplantation rénale offrait au patient le bénéfice évident d’un rein fonctionnel grâce au progrès de la biologie et soulevait en contrepartie la nécessité de concevoir et d’accepter l’idée du prélèvement d’organe à partir d’un donneur cadavérique ou d’un donneur vivant. Respect de la dignité et de l’autonomie des personnes, respect du corps humain après la mort et véritable signification du don d’organe dans un contexte de solidarité interindividuelle représentaient les enjeux essentiels du débat éthique. Le cadre législatif du prélèvement et du don d’organe a fait l’objet de réflexions intenses nombreuses et approfondies entre philosophes, sociologues, religieux et juristes, dans un souci annoncé de révision en fonction des avancées de la science et de la société.

L’application des progrès de la génétique et de la médecine prédictive soulève la question du droit de savoir ou de ne pas savoir des patients et peut mener à une interruption de grossesse. De nouveaux progrès scientifiques viendront encore remettre en question le précaire équilibre toujours à reconstruire de la réflexion éthique.
Indépendamment des grands débats où l’on voit la réflexion éthique fortement médiatisée et le questionnement éthique devenu un devoir du citoyen, les médecins sont aujourd’hui confrontés aux modifications de la relation médecin-malade tout à la fois détendue et compliquée par l’évolution de la société et les lois définissant les droits des malades et la qualité du système de santé.

La pénibilité de certaines affections rénales ou de leur traitement et la chronicité de la plupart des pathologies suivies en néphrologie rendent compte des difficultés rencontrées parfois dans l’histoire de la relation médecin-malade dans notre spécialité.

Situations de conflits entre soignants et soignés.

Ainsi, la commission d’éthique de la Société de néphrologie consacre son premier atelier aux situations de conflits entre soignants et soignés pouvant entraver le choix thérapeutique dans sa mise en œuvre, son déroulement ou sa qualité. Ici, deux autonomies sont en jeu : celle du soigné, défendant le respect de ses droits après une reconquête parfois difficile de son statut de personne et celle du soignant, du médecin protégeant son indispensable et légitime liberté de prescription. Des tensions entre le principe de respect de l’autonomie du patient objectivé par l’obtention de son consentement aux soins et la conscience professionnelle du prescripteur peuvent faire débat.
L’atelier « éthique » des Journées de la Société de néphrologie et de la Société francophone de dialyse de Marseille propose de débattre autour de ce thème à partir de cas cliniques, à la lumière de deux exposés théoriques, celui d’une philosophe (Carmen Rauch, médecin et philosophe, cofondatrice de l’espace Ethique Méditerranée) et celui d’un juriste (Philippe Pedrot, professeur de droit à l’université de Bretagne occidentale). L’un et l’autre viendront documenter la concertation établie entre ces différentes disciplines et la pratique médicale. La rencontre du médecin et du juriste n’exprime pas nécessairement l’arbitrage d’un litige, mais plutôt une médiation, le rétablissement d’un dialogue par un équilibre retrouvé dans la distribution des droits et des devoirs de chacun.
Ce mode de travail en atelier, à partir de cas cliniques, propice à l’échange autour de sujets d’actualités dans la communauté néphrologique francophone, devrait offrir un terrain favorable pour l’entraînement à la réflexion éthique pratique.

Par le Dr CATHERINE DUPRE-GOUDAB, Présidente de la Commission d’éthique de la Société de néphrologie. Hémodialyse, CHU hôpital Rangueil, Toulouse.

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