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Les points importants abordés lors du congrès 2004 de la Société de Néphrologie à Marseille

L’amélioration relativement faible des résultats en termes de morbidité et de mortalité chez les patients hémodialysés au cours de ces dernières années demeure toujours surprenante. En dépit d’une amélioration constante de la technique, du monitorage, de la compréhension du traitement et des coûts thérapeutiques, il est étrange que l’amélioration des résultats ne soit pas au rendez-vous. Cela doit nous conduire à réfléchir sur les causes profondes de ce phénomène et essayer d’apporter des réponses en terme d’amélioration du rapport coût/bénéfique pour le patient.

L’ETUDE INTERNATIONALE Dopps, conduite depuis près de huit ans, apporte très certainement une partie de la réponse à ces interrogations. Sans entrer dans le détail ni la rigueur de la méthodologie de cette étude, nous la prendrons comme base de réflexion et d’illustration à nos propos. Dopps est en effet le « miroir » des pratiques médicales dans le domaine de l’hémodialyse au niveau mondial. C’est la seule étude de cette envergure qui a enrôlé plus de 10 000 patients hémodialysés et les suit de façon prospective aux Etats-Unis, en Europe et au Japon. L’originalité de cette étude réside dans le fait qu’elle enregistre les paramètres classiques d’efficacité du traitement de suppléance, analyse le profil médical des patients et des pratiques médicales et permet ainsi une analyse de morbidité et de mortalité ajustée sur ces différents paramètres.
De façon globale et nette, il apparaît que la mortalité des patients diffère de façon très significative d’un pays à l’autre, passant de près de 9 % au Japon à 22 % aux Etats-Unis et à 15 % en Europe. Cette différence de mortalité persiste en dépit d’analyses fines prenant en compte les facteurs de risques ou de comorbidité de ces patients, démontrant ainsi que les pratiques de soins ont un rôle très important dans la survie des patients dialysés. Ainsi, la comorbidité plus fréquente chez les patients dialysés américains n’est pas le seul facteur permettant d’expliquer leur surmortalité. De façon intéressante, les causes de décès sont représentées pour plus de 50 % parmi les accidents cardio-vasculaires et les problèmes infectieux.

Egalement, il est intéressant de constater que la morbidité ne diffère pas de façon nette d’un pays à l’autre. Près de 25 % des causes d’hospitalisation sont liées à des problèmes de dysfonctionnement ou de complications d’accès vasculaire et d’infection, les autres causes cardio-vasculaires ou pulmonaires arrivant bien après. Ces deux causes d’hospitalisation soulignent la fragilité des patients hémodialysés et l’impact probablement très important des pratiques médicales dans ce domaine. En effet, les problèmes d’accès vasculaire ou d’infection sont directement liés aux pratiques de soin.

Ces observations sont d’autant plus surprenante que tous les pays concernés ont un produit intérieur brut élevé qui les place parmi les pays les plus riches. La technologie accessible est l’une des plus sophistiquée, tant en matière de moniteur générateur de dialyse, de dialyseur haute performance, d’unités de dialyse hautement équipées. L’accès aux médicaments complémentaires les plus efficaces est également peu limité (érythropoïétine, statines, antihypertenseurs…). La formation médicale et paramédicale est de très haute qualité et l’expertise et la compétence des soignants n’est pas à mettre en doute. Les causes de morbi- et mortalité doivent donc être recherchées ailleurs.

Les pratiques médicales.

Dopps, là encore, nous apporte une partie de la réponse. Le principal facteur d’amélioration des résultats des patients hémodialysés est représenté par les pratiques médicales. En effet, il apparaît de façon nette que c’est le nombre de médecins, d’infirmières et de paramédicaux qualifiés par patient qui améliore la qualité des résultats. Cela a un impact sur la mortalité mais également sur la survie de l’accès vasculaire, par exemple. L’expertise et la qualité du soin apportée aux patients par les équipes médicales et paramédicales sont plus importantes en terme d’amélioration des résultats que certains paramètres mythiques comme la dose de dialyse calculée par le Kt/V.

Pour se résumer, Dopps confirme que la « dose médicale » et la « dose infirmière » sont plus importantes pour la survie des patients que la « dose de dialyse » calculée par de savantes équations.

Le deuxième enseignement de l’étude Dopps réside dans la comparaison de deux périodes d’observation, la période initiale (1998) et la période actuelle (2002). En effet, la comparaison des résultats de ces deux périodes ne retrouve pas une progression spectaculaire des résultats tels que le voudraient les connaissances acquises. En dépit de la parution régulière de guides et de directives de bonnes pratiques dans le domaine de l’hémodialyse, l’impact sur les résultats au quotidien progresse de façon minime. Il est donc nécessaire de transformer l’acquis de nos connaissances en des actes pratiques médicaux capables d’améliorer les résultats globaux des patients hémodialysés. En somme, il s’agit d’assurer un transfert de connaissance au niveau des soins quotidiens.
La comparaison des changements des pratiques de soin entre les périodes 1998 et 2002 dans Dopps est très instructive. Elle illustre les difficultés ou les réticences à atteindre les objectifs thérapeutiques pourtant devenus consensuels. L’exemple le plus caractéristique est celui de l’équilibre phosphocalcique. A l’heure où les calcifications vasculaires représentent le principal sujet de discussion de nos réunions scientifiques, il est intéressant de se pencher sur les résultats de l’équilibre phosphocalcique de nos patients hémodialysés. A-t-on idée du pourcentage de patients atteignant les cibles de l’équilibre phosphocalcique défini par les DOQI ?

En 2002, Dopps a établi qu’à peu près 53 % des patients avaient un taux de phosphore inférieur à 1,75 mmol/l avant dialyse, 37,5 % avaient un calcium compris entre 2,20 et 2,40 mmol/l, 62 % avaient un produit phosphocalcique inférieur à 4,5 mmol/l et 26 % avaient un taux de PTH compris entre 150 et 300 pg/l. La marge de progression en matière d’amélioration de qualité est évidemment très importante. Ce pourcentage de patients a-t-il changé de façon significative depuis 1998 ? La réponse globale est oui, mais avec une évolution très faible. Ainsi observe-t-on que 5 % ont amélioré leur contrôle du phosphore, 4 % celui de leur taux de PTH, 0,2 % celui de leur calcémie et 5 % celui de leur produit phosphocalcique. En somme, l’amélioration des résultats est de l’ordre de 1 % par an. Cela permet de prédire qu’il va falloir de trente à quarante ans pour que 100 % de notre population dialysée atteigne les cibles fixées. Il en serait de même de la gestion des accès vasculaires, de la correction de l’anémie, de la supplémentation en fer et de la correction des autres paramètres métaboliques.

En conclusion, l’amélioration de la qualité de dialyse est une réalité qui se mesure au quotidien. Certes, elle est faible, de l’ordre de 1 % par an si l’on juge sur certaines cibles thérapeutiques. Le bénéfice est en partie dû à l’amélioration technologique et pharmacologique mais elle relève surtout d’un facteur de compétence et d’expertise humaine. La prise en charge quotidienne et globale du patient dialysé et les compétences des équipes soignantes sont irremplaçables et doivent être renforcées. Le transfert de connaissances doit être accéléré et privilégié très probablement à celui de compétences. L’accent doit donc être mis sur les outils facilitant le suivi et l’analyse du suivi des résultats permettant de motiver et de stimuler les équipes soignantes.

> PrBERNARD CANAUD
président de la Société francophone de dialyse

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