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Vaccination, traitements : le triste bilan de la protection Covid des immunodéprimés en France

✅ Depuis le début de la pandémie, Renaloo alerte sur les dangers du Covid pour les malades du rein et les immunodéprimés, à très haut risque et dont la réponse vaccinale est altérée, et se bat pour leur permettre d’accéder à des mesures de protection adaptées. 

➡️ Les risques très élevés auxquels ils sont exposés viennent à nouveau d’être soulignés dans un article du Lancet, qui montre que les patients greffés rénaux, dialysés et en insuffisance rénale au stade 5 sont parmi les plus exposés aux risques d’hospitalisation et de décès liés au Covid, malgré un rappel vaccinal. 

➡️ Un autre article tout juste paru dans la revue Nature montre que depuis début 2022, 43% des patients hospitalisés en soins critiques pour Omicron en France étaient immunodéprimés. Leur mortalité (47%) était sensiblement supérieure à celle des autres patients (26%).

Un bilan très sombre et qui s’alourdit

  • Depuis mi-décembre 2021 (date de mise à disposition d’Evusheld), près de 400 patients greffés rénaux et près de 300 patients dialysés sont décédés du Covid en France.
  • Plus de greffés rénaux sont morts du covid sur les dix premiers mois de 2022 que sur les années 2020 et 2021, alors que plusieurs moyens de protections efficaces étaient disponibles, et auraient dû les mettre à l’abri.
  • Le décompte des décès occulte les séquelles du Covid pour ces populations très fragiles… 

Les données actuellement disponibles, jusqu’à l’été 2022, confirment que les conséquences du Covid pour les immunodéprimés sont effroyables.

✅ Comment expliquer ce drame et va t-il se poursuivre ? 

✅ Si la France a été un des tous premiers pays au monde à permettre à ces  patients l’accès  aux stratégies vaccinales renforcées et aux traitements prophylactiques et curatifs du Covid, sur le terrain, ces outils ont été peu et mal utilisés. 

Dès mars dernier, nous évoquions le médiocre bilan de leur protection, dont s’était aussi ému le COSV dans un avis dédié aux patients dialysés. Ces alertes sont restées sans résultat.

📢 Sept mois et trois vagues épidémiques plus tard, la situation n’a que très peu évolué. 

Une couverture vaccinale qui reste très insuffisante

😱 Au 2 octobre 2022, plus de 35% des patients dialysés et plus de 40% des greffés du rein n’ont reçu aucun rappel vaccinal (données Assurance Maladie).

Selon les recommandations, ils devraient en être au moins à trois rappels.

➡️ Alors que leur risque est bien plus élevé, leur accès aux rappels est sensiblement inférieur à celui observé en population générale et dans d’autres pathologies :  par exemple, 89,3% des patients diabétiques, 88,7% des insuffisants cardiaques et 84,1 % des patients obèses ont reçu au moins un rappel.

➡️ Cet accès est  très inégalitaire selon les régions : 60% des dialysés n’ont pas eu de rappel dans l’Indre et en Moselle, tandis qu’ils sont plus de 85% à avoir reçu au moins un rappel dans l’Allier, la Haute-Marne, les Hautes-Pyrénées ou l’Yonne. Une hétérogénéité qui traduit l’engagement variable des structures de dialyse par rapport à la vaccination. Selon l’enquête Renaloo réalisée durant l’été 2022, moins de 40% des patients dialysés ont reçu leur dernière dose de vaccin dans leur centre de dialyse.

🚨 Les rappels vaccinaux, qui doivent désormais être réalisés tous les trois mois, sont pourtant cruciaux pour protéger ces patients particulièrement fragiles contre les formes graves de Covid.

Un très faible recours à la prophylaxie par anticorps monoclonaux

Depuis août 2021, des anticorps monoclonaux sont disponibles en prévention (= prophylaxie) du Covid pour les patients immunodéprimés ayant une réponse insuffisante à la vaccination. Evusheld est ainsi accessible, financé par l’Etat, depuis décembre 2021.

➡️ Au 9 octobre 2022, 26.672 patients en France avaient reçu un traitement prophylactique par Evusheld, pour une population estimée à 300.000 personnes sévèrement immunodéprimées (données ANSM). 

➡️ 45% des patients ayant reçu de l’Evusheld, soit environ 12.000, sont des greffés d’organe (rein, foie, coeur, poumon…). 42.000 personnes en France vivent avec une greffe rénale.
Après dix mois et malgré de nombreuses études confirmant l’efficacité d’Evusheld, seule une minorité des greffés rénaux a bénéficié de ce traitement protecteur.

On observe un “pic” du nombre de doses utilisées par semaine en janvier 2022, correspondant au début d’Omicron (vague BA.1), puis les administrations diminuent régulièrement.

L’accès à Evusheld est lui aussi très inégalitaire selon les régions. Il est en particulier toujours très restreint en Bretagne et dans les Hauts-de-France.

Ces écarts incitent à saluer les efforts des équipes qui ont fait le nécessaire pour que leurs patients reçoivent ce traitement, montrant ainsi que c’est possible… Et nous sommes très conscients des difficultés qui ont dû être surmontées pour y parvenir.

⬛️ Malgré les engagements des pouvoirs publics, la prophylaxie par Evusheld n’est toujours pas accessible en droit commun : sa prescription en “accès précoce” nécessite des formalités administratives qui contribuent à son sous-usage.

Des traitements curatifs trop souvent non prescrits

Deux principaux traitements curatifs ont été recommandés ces derniers mois pour les patients immunodéprimés contaminés par le Covid, dans le but d’empêcher l’évolution vers une forme grave : il s’agit en premier lieu du Paxlovid (en droit commun) et secondairement de l’Evusheld (accès compassionnel).

➡️ Selon l’étude EPIPHARE sur l’utilisation du Paxlovid, entre le 4 février et le 29 juin 2022, seulement 257 patients transplantés (tous organes solides) prenant du tacrolimus, de la ciclosporine, de l’everolimus, ou du sirolimus ont reçu ce traitement en France, alors que plusieurs milliers de transplantés ont été contaminés par le Covid sur cette période.

➡️ Si l’insuffisance rénale sévère (DFG < 30 mL/min/1,73 m2) est une contre-indication à l’usage du Paxlovid, ses interactions avec certains anti-rejets n’en sont pas une, mais nécessitent des adaptations de traitement, qui sont désormais bien établies.

➡️ Le recours à l’Evusheld en curatif semble avoir été moins limité : au 10 octobre 2022, 5.414 autorisations d’accès compassionnels avaient été délivrées par l’ANSM, sans que l’on puisse identifier parmi eux les patients dialysés ou greffés. Parmi ces autorisations, certaines ont concerné des traitements post-exposition (cas contacts) et des prophylaxies (lorsque les patients ne correspondaient pas aux critères de l’accès précoce).

🚨 Des témoignages de patients dialysés ou greffés contaminés, inquiets à juste titre, qui se voient refuser la prescription des traitements curatifs pourtant recommandés nous parviennent de façon quasi-quotidienne.

Que doit-on attendre de la nouvelle recommandation de recours au Remdesivir en curatif, sachant que ce traitement nécessite une perfusion quotidienne pendant trois jours ?

La désinvolture d’une part importante de nos médecins va t-elle se poursuivre ?

✅ Quels qu’en soient les motifs, le défaut de respect par certains prescripteurs des recommandations des autorités sanitaires et leur attitude de négligence ou de déni face aux réalités documentées de l’épidémie pour leurs patients restent un des constats majeurs de cette crise sanitaire.

Le prix en pertes de chances et en vies brisées de la sacro-sainte “liberté de prescription” est bien trop élevé. 

Quelles perspectives pour l’avenir ?

Les incertitudes sont grandes.
La 8e vague a atteint son pic mi-octobre et de très nombreux sous-variants d’Omicron émergent. BQ.1.1, désormais majoritaire en France, aurait un avantage de croissance de plus de 60 % sur BA.5, tandis que XBB, se développe en Asie. Leur particularité ? Ils seraient résistants à tous les anticorps monoclonaux actuellement disponibles, et en particulier à Evusheld.

Une nouvelle vague portée par BQ.1 (englobant BQ.1.1) ces prochaines semaines est jugée probable par le centre européen de prévention des maladies (ECDC). Une nouvelle vague dont on ignore encore les caractéristiques et en particulier la dangerosité, mais face à laquelle les patients immunodéprimés seront particulièrement démunis, dans un monde au moins transitoirement dépourvu d’anticorps monoclonaux efficaces, et où le port du masque dans les lieux clos est abandonné.

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