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Greffe avec donneur vivant, pénurie d’organes, solidarité et démocratie

 

Et la démocratie ?

 

Cet aspect est évident, mais la démocratie ? Qu’a-t-elle à faire dans l’histoire. Venons-y justement. Nous allons l’introduire par le biais qui sert de fil directeur à notre rencontre, celui de l’éthique.

Ce sont essentiellement des motifs d’ordre moral ou éthique (je reviendrai sur la distinction) qui sont invoqués par tout un ensemble d’instances juridiques, législatives et administratives pour freiner le développement de la greffe avec DV.

Deux relèvent de la morale générale : crainte du trafic d’organes et crainte des pressions morales exercées sur le donneur par la famille ou des tiers. Le troisième ressortit plus précisément à l’éthique médicale : « primum non nocere », on ne mutile pas un corps sain, on ne prend pas le risque d’affaiblir un organisme en bonne santé. Le respect de ce principe s’est traduit directement dans la formulation d’un questionnaire dans le cadre de la consultation nationale de révision de la Loi de bioéthique en juin dernier.

Le médecin en charge de ce questionnaire posait l’alternative suivante : « êtes vous plutôt favorable aux greffes avec mutilation ou aux greffes à partir de cadavres ? » S’agissant de sensibiliser la population aux questions de bio-éthique liées aux transplantations, on pouvait imaginer des formulations moins militantes… Parce que l’éthique milite ! Dans tous les sens ….

Morale ici, éthique professionnelle là.

Je rappelle rapidement la différence entre morale et éthique.

La première raisonne en termes de Bien et de Mal.

La seconde, plus nietzchéenne, se situe Par delà le bien et le mal, pour raisonner en termes plus modestes de « bon et de mauvais ». La morale commande, l’éthique recommande.

La première se prévaut de l’universel, la seconde est plus relative, moins universelle et par exemple propre à telle ou telle profession.

La première se donne comme un impératif catégorique, la seconde comme un impératif plus hypothétique (Comte – Sponville).

L’éthique peut donner lieu à des conflits de valeur. On peut composer avec. On est forcés de composer avec, puisque par nature, elle est relative.

Les deux premières craintes – trafic et pression – se fondent sur des principes moraux fondamentaux de notre société.

Le corps n’est pas un objet marchand, aucune de ses parties ne doit faire l’objet d’un commerce. Chaque individu est libre et autonome et personne ne doit abuser d’un « état de faiblesse » ou de sujétion dû à son âge (enfance ou sénilité) ou à une relation de domination (parentale par exemple) pour le contraindre à accomplir, avec des pressions morales ou physiques, contre son gré, un acte auquel il n’adhère pas.

Ces deux principes moraux auxquels adhère l’immense majorité de nos concitoyens sont inscrits dans la loi. Et qui y contrevient est passible des tribunaux et de sanctions.

Ces deux menaces ne semblent pas aujourd’hui en France constituer des dangers considérables.

Notre législation s’est d’ailleurs dotée de dispositions efficaces pour les combattre.

En ce qui concerne les risques de trafic organisé, notamment par des « mafias », si ce phénomène est une réalité émergente dans certains pays pauvres, il fait aussi l’objet d’une forme de désinformation, orchestrée notamment par certains médias peu scrupuleux. Il serait caricatural de considérer que la France est à l’heure actuelle une cible privilégiée de ces réseaux. Du reste, les pays comparables au nôtre en termes de développement économique et de protection sociale qui ont une activité importante et ancienne de greffes à partir de donneurs vivants (les pays scandinaves par exemple) ne déplorent aucune dérive éthique dans ce sens. Quant à la marchandisation privée, de la main à la main, d’un organe, entre deux membres d’une même famille, gageons que si elle existe elle demeure dans l’ordre de l’infra-marginal.

La vigilance conjointe des équipes de greffe et des comités donneurs vivants constitue un dispositif très efficace de prévention des dérives potentielles. Il en va de même pour l’exercice de pressions. La consultation avec le ou la psychologue, prévue dans le parcours du donneur vivant, constitue une épreuve de vérité efficace. Les cas les plus fréquents sont connus et se repèrent facilement : ils frappent les jeunes filles, les enfants, etc…

 

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1 Commentaire

  • et la greffe en dons croisés la loi a été votée mais rien ne bouge pourquoi?

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