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Greffe avec donneur vivant, pénurie d’organes, solidarité et démocratie

 

Hamburger pour la médecine, Caillavet pour la loi

 

Il n’en a pas toujours été ainsi. Deux grandes figures ont contribué à façonner le cadre législatif et médical qui a servi de toile de fond à la transplantation et au don d’organes dans notre pays. Ils étaient l’un et l’autre pétris d’éthique et cette éthique était celle de la solidarité. Jean Hamburger pour la médecine, Henri Caillavet pour la loi.

Relisons un instant le début d’un article où H. Caillavet évoque en 2003 ce qu’il avait voulu faire en 1976.

« Tous avaient exprimé, leur confiance dans cette « aventure » mais aussi leurs déceptions puisque nous manquions cruellement de greffons, cependant que les règles déontologiques bloquaient leurs interventions. Or, précisaient-ils, cette pénurie contraignait inévitablement à des choix quant aux receveurs, aux équipes médicales et, à terme, développait des dangers de commercialisation alors que de nombreux décès survenus souvent dans des circonstances douloureuses auraient permis des prélèvements quasiment susceptibles de satisfaire des demandes toujours plus pressantes.

Ainsi, grâce à la greffe, la mort aurait à nouveau donné naissance à la vie !

Ma loi ? J’ai eu tout simplement l’idée de renverser l’ordre naturel du consentement à la greffe. Je postulais la fraternité en proposant la présomption de don. Plutôt, en effet, que d’être contraint à solliciter, avec des résultats aléatoires, l’autorisation d’un ou des membres de la famille de prélever un organe en vue d’une greffe, je demandais que, sauf refus explicite du défunt, le prélèvement sollicité par le docteur fut de droit. Pour moi, cette procédure, cette novation juridique devait exprimer le sentiment d’altruisme qui reste lové dans le coeur des hommes responsables et civilisés. En d’autres termes, il s’agissait d’illustrer la solidarité sans laquelle nulle collectivité humaine n’est concevable. J’invitais donc le législateur à rejeter l’égoïsme pour lui substituer l’amour de son prochain. A l’évidence, je réclamais la gratuité du don d’organe et son anonymat afin d’éviter d’éventuelles turpitudes véritablement maffieuses. »

Quant à Jean Hamburger, impossible ne pas évoquer la façon dont il a accueilli la mère de Marius Renard et la suite positive qu’il a réservée à sa demande pressante, une nuit de Noël. Il a compris, lui,  d’emblée, les valeurs éthiques qui habitaient cette femme. Sa réponse fut l’acte fondateur des greffes rénales en France. N’oublions donc pas en dépit du discrédit dont le donneur vivant est aujourd’hui l’objet de la part du monde politique, que c’est une femme, une mère qui a réussi à convaincre le grand médecin de prendre les risques qu’il a pris en l’autorisant à manifester sa solidarité élémentaire à l’égard de son fils, Marius. Cet acte de compréhension manifesté à l’égard de l’autre relève de plein droit de ce qu’Amartya Sen appelle démocratie.

On est loin aujourd’hui de ce souffle fondateur. Que de dérives, depuis. Dérives, cette expression maritime est souvent utilisée par les adversaires des greffes avec donneur vivant pour stigmatiser les risques de trafic ou de pressions…

Ne seraient-ce pas eux qui auraient le plus dérivé dans l’histoire ?

 

 

 

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1 Commentaire

  • et la greffe en dons croisés la loi a été votée mais rien ne bouge pourquoi?

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